Le BRGM met à disposition les vidéos du colloque "Enjeux du sous-sol au 21e siècle" qui s’est tenu le 15 octobre 2019, au collège de France à Paris, à l’occasion des 60 ans du BRGM.
6 novembre 2019

A l’occasion de ses 60 ans, le BRGM a organisé un colloque scientifique sur le thème "Les enjeux du sous-sol au 21e siècle". Cet événement, qui a réuni partenaires, élus, monde scientifique, industriels et ministères de tutelle du BRGM, a permis d’échanger sur les thématiques des géosciences prédictives et la sécurisation des approvisionnements en ressources minérales au cours de 2 tables rondes. 

Perspectives liées au sous-sol, que nous réserve l’avenir ? 

Pour permettre au plus grand nombre de profiter de ces échanges et d’entrevoir les perspectives liées au sous-sol dans les décennies à venir, le BRGM met à disposition le colloque complet en vidéo. 

Colloque "Enjeux du sous-sol au 21e siècle" – Introduction

À l’occasion de ses 60 ans, le BRGM organise un colloque scientifique sur le thème "Les enjeux du sous-sol au 21e siècle". Introduction du colloque. 

La création du BRGM est le fruit de deux siècles d’aventures géologiques et d’évolutions administratives. Depuis 1959, il est devenu l’un des organismes de référence dans les domaines des géosciences et des questions environnementales. Son défi est aujourd’hui de proposer des réponses concrètes pour faire face aux enjeux du sous-sol du 21e siècle. 

© BRGM 

Merci à tous encore une fois de vous être rendus disponibles pour être présents sur cet événement scientifique qui est organisé en l'honneur des 60 ans du BRGM. Une belle occasion de conclure en beauté cette année anniversaire dans un lieu ô combien prestigieux, celui du Collège de France. Et pour introduire ce colloque, sans tarder, nous allons faire un petit retour en arrière, en vidéo. C'est bref, mais ce sera largement évocateur de l'histoire et des 60 ans de l'établissement. Voilà, en avant pour la vidéo. Merci. Voilà, alors... Je vous l'avais promis, c'était une courte introduction, mais qui met le cadre pour tout ce qui va suivre maintenant. Et je vais tout de suite prier Élisabeth Vergès, qui est chef du service stratégie, de la recherche et de l'innovation, de venir pour ouvrir le colloque scientifique à ce beau pupitre. qui se dresse juste ici. Merci.

Merci beaucoup. Vous m'entendez bien ? Je suis là pour le service de la stratégie, de la recherche et de l'innovation au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Je ne suis pas suspendue... Donc merci beaucoup de m'avoir invitée. Madame la présidente, monsieur le conseiller spécial auprès de la ministre, mesdames et messieurs chers collègues... J'appuie sur le "chers collègues" parce qu'en fait, je suis géologue, donc j'appuie sur ce mot-là. 60 ans, ça fait beaucoup, ça, c'est vrai, mais c'est un bureau de recherches géologiques. Donc au sens de la géologie, franchement, 60 ans, c'est rien. Mais plaisanterie mise à part, comme on l'a vu sur les diapositives-là, c'est dans une histoire beaucoup plus profonde que 60 ans que s'inscrit le BRGM d'aujourd'hui. Et ça montre à quel point la connaissance du sol, du sous-sol, la connaissance du terrain a été et reste encore aujourd'hui un enjeu patrimonial stratégique pour notre pays. Qu'il s'agisse en fait de ressources, qu'il s'agisse de faire face aux risques naturels, de mise à disposition de nouveaux services environnementaux, c'est un enjeu majeur pour notre pays. On l'a vu, le BRGM a été créé en 1959 par la fusion de 4 bureaux : Madagascar, l'Algérie, la Guyane, c'était une autre France, on le voit bien, et le bureau qui était sur la métropole, qui était le BRGGM. Et je dois dire que c'est bien, le BRGGM, c'est pas mal, géologique, géophysique et minière. On a perdu un G au passage, mais c'est pas grave. Donc récemment, je crois que le BRGM aussi a agrégé des charbonnages de France, etc. Donc c'est une histoire d'agrégation de différents services. Et en regardant bien, ça ne fait que 20 ans que le ministère chargé de la recherche est cotutelle de cet organisme avec le ministère en charge de l'environnement et en charge des mines. C'est peu, en fait. Je trouve que c'est étonnant. Quand on regarde bien, si on veut faire avancer les connaissances sur le sol et le sous-sol, il faut mener des recherches. Donc le BRGM le faisait comme M. Jourdain, donc maintenant il le sait. C'est un organisme de recherche. Il faut comprendre les processus à l'œuvre, Il faut les modéliser si on veut anticiper. Donc si on regarde bien, la mission du BRGM est double, d'ailleurs, on le voit avec les 2 tutelles : contribuer à l'avancée des connaissances sur les sujets dont on vient de parler, mais bien sûr répondre aux questions de politique publique. C'est un service public. C'est une position qui n'est pas toujours facile, et qui pourtant, sur ces sujets-là, est indispensable. En tant que service géologique national, le BRGM, c'est l'établissement public de référence dans les applications des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol, et le ministère entend bien qu'il reste positionné ainsi. Alors géologie, pas géologie, mais le BRGM s'inscrit dans le temps long, on l'a vu. En fait, c'est en 1750 ou 1746, je sais plus très bien, la 1re tentative de carte géologique en France par Jean-Étienne Guettard. Et puis en 1868, je ne me trompe pas, 1868, c'était sous Napoléon III, la naissance du service de la carte géologique de la France, et j'ai retrouvé le décret. La carte géologique détaillée de la France sera réalisée aux frais de l'État, et un service spécial sera établi pour son exécution. Et c'est le BRGM qui absorbe ce service 100 ans plus tard en 1968, ce service de la carte géologique créé par Napoléon III. Donc on est dans du temps long, historique. Cette fusion lui permet de couvrir l'ensemble de la chaîne de production depuis le lever de terrain jusqu'à l'édition des cartes. La structuration de l'établissement s'opère au niveau territorial. On a vu qu'en 1965, toutes les équipes arrivent sur Orléans, à Orléans-La-Source. C'était la volonté de l'époque de faire des villes en périphérie des cités... Il y avait un campus CNRS, l'université, le BRGM... C'était ces volontés des années 60. Alors, le BRGM est à Orléans. Il y a une petite histoire qui rencontre la grande histoire. Moi, je sais pourquoi il est à Orléans. Il y a des choses étonnantes comme ça. Il est à Orléans. Bien... Le maillage du territoire s'est affirmé petit à petit jusqu'à avoir des services géologiques régionaux dans les 22 régions métropolitaines et ultramarines. Et c'est donc fin 1992 que l'établissement assure, après une restructuration, les missions de recherche scientifique et de service public, en mettant en plus des filiales spécialisées sur les activités commerciales. Ça, c'est un changement. C'est en 1998 que le statut d'établissement de recherches avec double tutelle se met en place. C'est un organisme de recherches, je l'ai déjà dit, c'est un EPIC, donc public avec intérêt commercial. C'est un statut particulier parce que ça veut dire que vous faites vraiment le lien entre la recherche et ses applications, entre la recherche et l'innovation. Vous développez des recherches en amont, avec des collaborations CNRS, universités, etc., des recherches d'excellence, et vous êtes aussi sur l'aval, en appui aux politiques publiques ou faire de l'innovation. Cela dit, au cours des 2 derniers siècles et demi, les enjeux ont bien changé. À l'époque, on ne se posait pas la question de la durabilité de la planète et des ressources. On avait plutôt un problème de disponibilité. On ne se posait pas la question du questionnement climatique, et le mot "environnement", c'était juste ce qu'il y a autour de nous. Donc voilà, les choses ont changé. Aujourd'hui, il y a une prise de conscience collective. Cette prise de conscience collective, elle est que maintenant, on sait. On sait le changement climatique et ses impacts, on sait la problématique de l'accès aux ressources, on connaît la vulnérabilité de nos sociétés par rapport aux risques naturels, on ne peut pas dire qu'on sait pas. Cette prise de conscience collective, elle a impliqué un peu pour vous, pour le monde des géosciences, en tout cas, le développement d'une image un peu mitigée, parfois mauvaise parce que les géologues étaient considérés comme des pollueurs à cause des mines, destructeurs de paysages à cause des carrières ou des responsables du changement climatique avec le charbon et le pétrole. Et ce n'est que plus récemment, depuis près de 2 décennies, qu'il y a une image plus positive qui vient pour les géosciences, qui est que les géosciences peuvent faire rempart au risque tellurique, climatique, environnemental. Ce virage, je dois dire que c'est le BRGM qui a aidé à le faire. Ça, c'est très important. Par ailleurs, les connaissances du sous-sol et des matériaux géologiques permettent, quand on connaît un matériel minéral complexe, une roche, d'être excellent sur la chimie par exemple du recyclage. C'est des compétences qui ont pu être transposées à d'autres thématiques. Vous savez aussi que le recyclage à 100 %, ça n'existe pas, enfin, ça ne suffira pas, et que le BRGM se positionne parfaitement bien sur le recyclage, sur la ressource en matières premières. Nous savons aussi maintenant que répondre aux besoins du moment sans se poser de questions, ça oblitère l'avenir des générations futures, et donc je vais faire un petit rappel. Vous savez que les Nations unies se sont dotées d'une feuille de route des objectifs de développement durable en 2050. En France, c'est le ministère en charge de l'environnement qui est pilote, mais au demeurant, le ministère en charge de la recherche est contributeur et il a posé une feuille de route recherche en soutien à chaque ODD et également lorsqu'il y a des interactions ou des interfaces parfois en tension. Un exemple : préserver la biodiversité et nourrir la planète, ça peut être compliqué. Par ailleurs, je vous rappelle que l'approche scientifique de la durabilité a été soutenue par l'UNESCO. Dans de nombreux pays, la science de la durabilité, "sustainability science", j'avoue que c'est mieux en anglais, en français, c'est un peu dur, la science de la durabilité, mais c'est un nouveau champ disciplinaire académique qui est très développé dans de nombreux pays et trop peu en France. Il permet d'avoir une approche pour traiter des problèmes mondiaux complexes à long terme, des changements climatiques, des changements induits par l'homme, la démographie, avec des perspectives assez larges, une vision un peu holistique. Il vise donc à promouvoir des solutions et à rétablir une relation solide entre sociétés humaines et environnement. C'est peut-être un peu des grands mots, mais c'est le fond, ce sont les enjeux qui sont propres à nous. Je trouve que le BRGM est assez armé pour faire face à ce défi et qu'il a toutes les cartes en main pour explorer ce champ disciplinaire des sciences de la durabilité, en faisant l'interface entre le monde académique et les praticiens, en faisant le lien entre les gouvernements, les ministères, les groupes de réflexion, les ONG, etc. Le BRGM peut aider à avancer sur ce domaine des sciences de la durabilité. À l'occasion de ce 60e anniversaire, je voudrais vous rappeler que notre ministère a des attentes stratégiques pour les sciences du système Terre, en général, les géosciences couplées aux sciences de l'environnement qui sont votre cœur de métier et pour développer ce champ disciplinaire. Alors, quand on parle de ces champs disciplinaires, bien entendu, derrière, il y a l'observation parce que c'est un milieu naturel. Vous ne travaillez pas sur des objets qui sont dans un labo, vous travaillez sur des objets naturels, vous allez sur le terrain. Donc il faut observer, prélever, avoir des données. Le data management, le management des données et la modélisation sont des axes importants pour notre stratégie, et le BRGM y a toute sa place. 60 ans après sa création, 2019, c'est une année importante. On a signé cette année le nouveau contrat d'objectifs et de performance avec le plan de stratégie scientifique, avec une attention particulière sur la politique de sites. Ça, c'est une politique portée par l'ensemble des ministères de permettre de développer des synergies fortes entre organismes de recherches et les universités sur site. Ça, c'est important, c'est également inscrit dans le COP. Le savoir-faire scientifique des chercheurs au sens large, chercheurs ingénieurs du BRGM, est donc attendu sur de nombreuses thématiques. Alors, ces thématiques, je peux vous les lister, qui sont dans le contrat d'objectifs. Il y a l'intérêt en recherches sur l'observation et la connaissance du sous-sol national et des Outre-mer, avec une recherche de haut niveau sur des objets géologiques. L'intérêt de la formation par la recherche, masters et doctorants, vous avez une place à jouer sur cette action, notamment au travers de l'outil cartographique de terrain et des approches pluridisciplinaires de géosciences. L'intérêt avec la communauté scientifique nationale d'avoir une synergie plus grande. Ce n'est pas en collaborant et en travaillant en commun que vous perdez de la visibilité, au contraire. Plus vous collaborez avec les universités du CNRS, plus vous gagnez en visibilité. Et puis ça vous permet aussi de nourrir les uns et les autres sur les aspects de recherches plus en amont et de recherches plus appliquées. L'intérêt aussi des collaborations avec les pays limitrophes... Vous savez qu'il y a une politique assez appuyée au niveau de notre ministère sur la solidification des collaborations franco-allemandes. Voilà, je vous le rappelle, sur l'Europe, bien entendu. Je suis ravie de voir qu'en effet, sur des projets comme des partenariats sur les services géologiques européens, vous êtes très actifs, que sur des infrastructures européennes comme EPOS ou Excel, vous êtes très actifs, et également pour essayer d'aller répondre aux programmes-cadres. HE20 se termine, mais on a le prochain programme-cadre FP9 avec Horizon Europe qui arrive. Il faut que le BRGM se mette en route non seulement pour inciter ces chercheurs ingénieurs à répondre aux appels d'offres, mais également pour être bien positionnés en amont, à faire de l'influence en amont pour avoir une rédaction d'appel d'offres qui... Vous comprenez les enjeux. Il faut le faire, c'est très important pour nos communautés. Ce que je vous souhaite, c'est que ce colloque cet après-midi soit une source de réflexion. Vous avez voulu bien montrer des nouveaux axes de recherche du XXIe siècle, l'environnement, l'intelligence artificielle au service des usages du sous-sol, par exemple, les données, les ressources... Je voudrais que ce colloque soit aussi la possibilité de nouvelles collaborations entre les acteurs de la recherche. Je vois qu'il y a d'autres organismes et des universitaires qui sont présents et le CNRS. C'est grâce à ça, grâce à cette synergie que le BRGM pourra apporter sa pierre dans le mur de la connaissance du XXIe siècle, parce qu'il faut faire face à des défis environnementaux et sociétaux majeurs. Vous êtes vraiment "un outil", avec tout le côté positif que ça peut avoir, un outil du ministère pour cela. Le contexte n'est pas très facile, mais les enjeux sont formidables, à portée de main pour tous, pour les géosciences du futur. Alors 60 ans, on pourrait penser, certains le pensent, que c'est un bon âge pour la retraite. Pas pour le BRGM. Je voudrais que les géosciences reprennent leur grandeur passée. J'aimerais qu'on puisse interviewer des géologues à la télévision française avec autant de respect qu'on le fait à la télévision américaine. Il faut que les géosciences se positionnent par rapport aux grands enjeux environnementaux de notre société. Je vous remercie beaucoup.

Merci beaucoup, Mme Vergès. Je vais vous prier de rejoindre l'assistance.

J'ai le micro, je le garde, ceux qui me connaissent le savent. C'était juste pour vous dire que dans mon service, il y a 2 secteurs qui suivent le BRGM. Il y a le secteur sciences de l'environnement avec Marie-Hélène Tusseau au sein du BRGM, qui n'a pas pu venir puisqu'il y a une manifestation G7 aujourd'hui sur le plastique dans l'environnement, mais Frédéric Ravel qui est là, et lui est en charge des sciences de l'énergie, et sur ce côté-là, il suit également le BRGM.

Merci beaucoup de ces précisions. Je vais appeler sans tarder pour vous suivre notre présidente, Michèle Rousseau, qui va s'exprimer et participer pleinement, bien entendu, à l'ouverture de ce colloque scientifique des 60 ans.

Madame la chef de service, monsieur le représentant de la ministre, messieurs les anciens présidents et directeurs généraux du BRGM qui nous font le grand honneur d'être là aujourd'hui, messieurs les représentants des tutelles de nos partenaires publics et de nos partenaires privés, ainsi que tous les membres du BRGM ici présents, je voulais vous remercier de votre présence. Nous sommes là pour fêter les 60 ans du BRGM, qui aura 60 ans très exactement le 23 octobre. Alors, il est d'usage bien sûr de dire quelques mots sur le passé du BRGM. Vous avez déjà eu droit au film ainsi qu'à un historique également donné par Élisabeth Vergès. Je vais peut-être raccourcir un peu mon propos. Mais vous avez vu que les fondements du BRGM sont la mine d'un côté, ça a commencé au XVIIIe siècle, la carte géologique aussi, et ensuite vous avez, comme souvent, soit Napoléon Ier, soit Napoléon III qui ont fondé les bases quand même de notre architecture administrative. Donc le BRGM est créé officiellement en 1959. Il agrège les organismes de recherches géologiques et de prospection minière de la France métropolitaine, de l'Algérie, de la Guyane, suivis progressivement par leurs homologues d'Afrique occidentale française et d'Afrique équatoriale française. C'est la partie la plus minière du BRGM. Le BRGM est autorisé à acquérir des titres miniers pour la prospection, pour l'exploitation et il est placé sous la tutelle unique du ministère de l'Industrie. Ensuite, pendant une quinzaine d'années, le BRGM va se structurer progressivement avec des services régionaux. Il commence à en créer en Nord-Pas-de-Calais, grande région minière à l'époque, et puis il s'engage à l'international avec l'Arabie saoudite avec laquelle il signe un très gros contrat. Ensuite, 1965, création du Centre scientifique d'Orléans, et 1968, c'est la fusion avec le service de la carte géologique. Vous avez déjà un BRGM qui commence à ressembler au BRGM d'aujourd'hui, mais nous n'y sommes quand même pas encore. Arrive la crise pétrolière. Pour le BRGM, c'est vrai que c'est plutôt une chance parce que les périodes de crise sont l'occasion d'évolutions. Cette crise pétrolière souligne la vulnérabilité de la France dans le domaine des approvisionnements en pétrole, mais également dans celui des matières premières. Le gouvernement décide de réaliser un 1er inventaire minier et il le confie au BRGM. Parallèlement, le BRGM développe ses activités d'exploration à l'international. Il devient l'un des 1ers explorateurs mondiaux. Et puis 1973, c'est également la période où la conscience environnementale commence à naître. Le ministère de l'Environnement est né en 1971. Le BRGM, dès 1974, décide de construire une halle pilote pour recycler les déchets. C'est une halle que nous sommes en train de rénover 30 ans plus tard. Donc vous voyez, le BRGM a su agir avec son temps. Les temps deviennent plus difficiles pour le BRGM, on vous l'a montré dans le film, à partir du début des années 80, pendant toute la décennie des années 80. Le marché des minerais et des métaux connaît une crise mondiale. C'est normal, ces marchés se retournent assez vite. Des projets miniers tournent court. Le BRGM, à ce moment-là, va accentuer ses efforts en recherches en géologie profonde, recherches en géothermie, la création à cette époque-là d'un service public de la géothermie. Et puis il va miser sur les activités commerciales pour compenser évidemment les mauvaises nouvelles du côté minier. Il insiste beaucoup sur le domaine de l'aménagement, et vous avez vu des photos sur le Louvre qui était en cours de reconstruction à ce moment-là. Ensuite arrive la décennie des années 90, et ça va être le recentrage sur la recherche et le service public. En 1993 et 1994, en 2 ans, les activités commerciales du BRGM sont finalisées avec la création de deux filiales principales : une pour l'ingénierie, Antea, ça, c'est à la fin de l'année 93, qui entraîne avec elle 400 personnes du BRGM et qui, 10 ans plus tard, sera privatisée. On peut dire qu'Antea aujourd'hui existe et se porte bien. Et une autre pour les activités minières, c'est La Source, elle sera dissoute 5 ans plus tard. En 1998, avec le décret du 1er juillet 1998, le BRGM devient un établissement de recherches, et il est placé cette fois-ci sous la double tutelle recherches et industrie. Ensuite, on voit arriver les années 2000 et les années ultérieures jusqu'à aujourd'hui où on va petit à petit constituer le BRGM de nos jours. Le BRGM continue à être un établissement public de référence en matière de géologie de mines. Depuis 2009 d'ailleurs, il forme une petite promotion de géologues de terrain. Et toutefois, il prend le virage. Il se positionne résolument comme un acteur de la recherche et du développement en prise avec les nouveaux défis de la planète, qui sont majoritairement des domaines qui relèvent du développement durable. Et c'est pour concrétiser cette évolution qu'en 2004, le ministère de l'Environnement rejoint le ministère de la Recherche et le ministère de l'Industrie comme tutelle du BRGM. Et actuellement, le BRGM se voit comment ? Il considère qu'il est sur deux piliers, la géologie d'un côté, le numérique de l'autre, et que grâce à ces deux piliers, il cherche aujourd'hui à répondre à 4 enjeux sociétaux. Le 1er, c'est l'approvisionnement en ressources minérales issues soit de la mine, soit du recyclage, et il va bien falloir qu'il y ait les deux. La transition énergétique est gourmande en métaux et cela fragilise quand même la France. Le BRGM pense qu'il sera impératif d'en tenir compte, même si les populations sont plus sensibles à une crise pétrolière qu'à une crise des matières premières. Néanmoins, le sujet existe. Il y a ensuite un 2e enjeu, celui de l'énergie, avec la géothermie, qui est une source importante de chaleur renouvelable, le stockage d'énergie ou de CO2. Le stockage de CO2 actuellement, en termes de marchés, est balbutiant, il faut bien le dire. Toutefois, le BRGM pense que le prix du CO2 finira par monter, et il constate qu'aucun des scénarios de neutralité carbone à l'horizon 2050 ne tient sans stockage du CO2, donc nous nous mobilisons sur ce sujet. 3e enjeu : la ressource en eau, la ressource en eau souterraine. Les eaux souterraines fournissent, c'est pas toujours connu, 2/3 de l'eau potable, 1/3 de l'eau d'irrigation, assurent l'étiage des cours d'eau en été. On voit bien qu'avec ce réchauffement climatique qui arrive, il va falloir s'adapter. Ce changement climatique va nous permettre, je l'espère, de faire des progrès sur la gestion des nappes souterraines et également de stocker de l'eau en nappes. Ensuite, on arrive sur les risques. Deux types de risques pour le BRGM. Les risques naturels : glissement de terrain, séisme, submersion marine, recul du trait de côte, qui est un risque lent mais qui devient un peu menaçant pour les pouvoirs publics. De temps en temps, un événement d'exception, ça a été le cas dans l'année qui vient de s'écouler avec la naissance au large de Mayotte d'un volcan sous-marin. Ça, c'est le risque naturel. Sur le risque anthropique, nous nous occupons de l'héritage des anciennes activités industrielles ou minières. Nous faisons de la recherche, mais nous ne faisons pas que de la recherche. Depuis 2005, le BRGM s'est vu confier l'après-mine, c'est-à-dire la gestion des mines fermées pour le compte de l'État. C'est quand même une activité qui représente à peu près le quart de nos activités. Alors, l'implication du BRGM dans les activités économiques est toujours forte. Nous sommes labellisés Carnot sur tout notre périmètre depuis 2006. Depuis 2 ans, nous avons mis en place un processus de soutien à l'innovation, et j'espère que le BRGM pourra à nouveau créer des filiales de petites tailles bien ciblées. Le BRGM a actuellement des filiales, nous n'en avons pas parlé. Il en a une, CFG, sur la géothermie et une autre, IRIS, sur l'instrumentation en géophysique. Mais il n'a pas créé de filiale depuis 20 ans. Les créations de filiales telles qu'elles sont envisagées à l'heure actuelle sont différentes des filiales du passé. Les filiales du passé, c'était un pan du BRGM qui était finalisé. Ce que nous cherchons à faire actuellement, c'est une activité créée ex nihilo en synergie avec le BRGM mais sans que le BRGM ne perde un des pans de l'établissement. Donc en synthèse de cette partie historique, le BRGM d'aujourd'hui est très semblable au BRGM du début des années 2020, tant en France qu'à l'international. L'international représente à peu près 15 % de notre activité sur contrats et conventions. Alors le futur, comment se présente-t-il ? Je suis bien d'accord avec Élisabeth Vergès pour dire que le BRGM a encore un long futur devant lui. Le BRGM, c'est un établissement que je vois robuste. Au jour d'aujourd'hui, il représente un millier de personnes implantées à Orléans mais aussi dans toutes les régions et Outre-mer. Vous avez 45 % de femmes, 55 % d'hommes, c'est quand même assez équilibré, avec une moyenne d'âge de 43 ans. C'est un établissement qui n'a pas de défaut manifeste dans ses grands chiffres. Son socle, c'est bien d'être le service géologique national, et il est étroitement connecté avec les autres services géologiques en Europe ou à l'international. Et ensuite, il a 2 caractéristiques. La 1re, une volonté de spécialisation. Certains établissements disent qu'ils peuvent tout faire. Le BRGM ne dit pas qu'il peut tout faire. Le BRGM s'attache à décliner les sciences du sous-sol dans toutes leurs dimensions, mais il reste bien orienté sur les sciences du sous-sol. 2e caractéristique, le BRGM équilibre son budget, tout au moins pour l'instant, avec 50 % de subventions et 50 % de contrats et conventions, si je mets de côté l'après-mine qui est financée entièrement par l'État. Et ces contrats et conventions reposent sur des clients et sur des thématiques variés. Cela ne veut pas dire que le BRGM ne pourrait pas avoir des problèmes de débouchés, mais dans la mesure où il y a de la variété dans les clients et les thématiques, je pense que ça le préserve de chocs trop importants, trop soudains sur une seule année. Enfin, je voudrais dire que le BRGM a trouvé des ressources exceptionnelles pour rénover ses halles expérimentales et ses laboratoires. Le plus important programme d'investissement de ces 30 dernières années est en cours, et je pense que cela devrait lui donner des atouts pour l'avenir. Le BRGM est robuste, mais le BRGM devra continuer à évoluer avec son temps. Il y a deux révolutions que tout le monde reconnaît : la révolution climatique, il va falloir que le BRGM contribue aux solutions, la révolution numérique, tout se numérise, tout s'interconnecte, et le BRGM doit réussir à prendre pleinement ce nouveau virage. Bien sûr, il le prend comme tous les établissements, mais néanmoins, il faudra aller sans doute encore plus loin dans cette direction. Alors, j'ai cité les deux révolutions les plus communément citées. Je pense qu'il y en a peut-être une 3e qui est en train d'émerger, qui est la révolution sociétale. Je m'explique. Le regard sur la science des citoyens est en train de se modifier. Le ministère de la Recherche promeut la science ouverte. Nos données sont gratuites maintenant totalement. Les réseaux sociaux ébranlent un peu la gouvernance des sociétés et interpellent les sachants dont le BRGM fait partie. Donc le BRGM va devoir s'adapter à tout cela. Nous commençons à en parler au sein de l'établissement, mais je pense que la réflexion doit encore être poursuivie. Voilà. Un établissement qui, je pense, a de beaux jours devant lui. Et les deux tables rondes que nous allons avoir, puisque je termine mon intervention, vont être l'occasion, je pense, de l'illustrer. Je vous remercie de votre attention.

Les géosciences prédictives : vers de nouveaux services à partir des données du sous-sol

La 1ère table ronde sur les géosciences prédictives a permis de mettre l’accent sur les nouveaux services numériques permettant une gestion soutenable du sous-sol. 

Intelligence artificielle, jumeau numérique, exemple des Pays-Bas sont au programme de cette table ronde. 

© BRGM 

Maintenant que ces introductions et ces ouvertures au colloque des 60 ans sont faites, je vais prier les intervenants de la 1re table ronde dont le thème est celui que vous voyez, vous voyez qu'il s'affiche sur l'écran, "Les géosciences prédictives : vers de nouveaux services à partir de données du sous-sol", donc de venir sur scène et de prendre place. Cette première table ronde sera animée par Benoît Tonson, qui nous fait l'amitié d'animer et de modérer cette table ronde. Et Benoît Tonson représente ici le média qui s'appelle The Conversation avec lequel le BRGM est partenaire, et il s'occupe de la rubrique science et technologie. Benoît, je vous laisse la parole pour cette 1re table ronde.

Merci beaucoup. Bienvenue à toutes et à tous pour cette première table ronde intitulée "Les géosciences prédictives : vers de nouveaux services à partir des données du sous-sol". Donc je suis Benoît Tonson, journaliste scientifique pour The Conversation, et j'aurai le plaisir d'animer ce débat. Alors, nous avons aujourd'hui un plateau très riche représentant tous les acteurs du sous-sol, qu'ils soient académiques, industriels ou représentants gouvernementaux. Je vais maintenant vous les présenter par ordre alphabétique. Nous avons John Ludden qui est professeur en gouvernance environnementale à l'université Heriot-Watt d'Edinburgh. Il a aussi été ex-directeur du British Geological Survey et également ancien directeur adjoint du CNRS pour les sciences de la terre. Bonjour. Nous avons Dominique Janodet, directeur recherche et développement, exploration et production chez Total. Bienvenue. Frédéric Plas, directeur recherche et développement à l'Andra. Martin Peersman, gestionnaire de programmes liés au sous-sol au ministère de l'Intérieur des Pays-Bas. Alors, juste une petite précision. Martin parlera en anglais et sera traduit. Et nous avons également le plaisir de recevoir Bernard Tardieu, coprésident de la Commission énergie à l'Académie des technologies, également président d'honneur de l'entreprise Coyne et Bellier Tractebel. Et enfin François Robida, directeur du programme Données, services et infrastructures numériques au BRGM. Bienvenue à tous. Simplement, quelques mots pour définir notre problématique, puis je laisserai la parole aux gens vraiment intéressants, à savoir nos spécialistes. Alors, les géosciences prédictives, qu'est-ce que c'est ? C'est l'association des géosciences et des sciences du numérique dans le but de prédire le comportement du sous-sol. Le boom technologique auquel nous assistons depuis quelques dizaines d'années permet d'augmenter notre capacité de calcul et donc de modélisation. Des algorithmes de plus en plus en sophistiqués et gourmands en puissance de calcul peuvent maintenant être utilisés. Dominique Janodet pourra, par exemple, nous parler des techniques de numérisation en 3D du sous-sol développées par Total. Prédire, c'est aussi gérer les risques, que ce soit dans le domaine du génie civil que connaît bien Bernard Tardieu, ou, à beaucoup plus long terme, pour le stockage des déchets nucléaires, comme nous l'expliquera Frédéric Plas. Comprendre, modéliser, prédire, cela permet également aux décideurs politiques de choisir. Doit-on construire un métro ici, pomper cette nappe d'eau ou au contraire laisser le sous-sol tranquille ? Pour ces choix, les politiques peuvent s'appuyer sur les experts des agences nationales ou des centres de recherche. On pourra faire un large tour d'horizon en France et à l'étranger avec François Robida du BRGM, John Ludden, qui travaille en Grande-Bretagne, et Martin Peersman, aux Pays-Bas. Enfin, quand on parle de décisions politiques majeures à venir, le sujet du changement climatique vient en tête. Quel rôle peut jouer le sous-sol dans la transition énergétique ? John Ludden pourra nous en parler. Finalement, qui dit outil numérique dit données. Quel type de données pouvons-nous utiliser ? Sont-ce toujours les mêmes qu'avant le numérique ? Est-ce simplement la manière de les traiter qui évolue ou pouvons-nous acquérir de nouvelles données ? Ces dernières doivent-elles être partagées ou rester privées ? Ce sont toutes ces thématiques que nous pourrons aborder pendant notre discussion, qui sera conclue par Bernard Cabaret, notre grand témoin de cette table ronde, qui a été président du BRGM entre 1997 et 2003. Pour démarrer cette table ronde, j'aimerais passer la parole à François Robida, en vous demandant pourquoi cette thématique des géosciences prédictives intéresse le BRGM et plus généralement les acteurs académiques et industriels du domaine.

Merci, Benoît. Bonne après-midi à tous. Je pense que ça a été rappelé par à la fois Elisabeth Vergès et Michel Rousseau, le BRGM, en tant que service géologique national, a une mission dans son ADN autour des données du sous-sol, depuis sa création. Dans son décret, il a effectivement pour mission de collecter des données, de les mettre en forme, de les restituer. Et effectivement, ça a été rappelé aussi aujourd'hui de façon totalement gratuite ce qui était déjà le cas depuis quelques années, mais qui a été maintenant affiché de façon très claire. Si on remonte un peu, et c'est aujourd'hui l'occasion de faire ça, un peu dans le passé, dans les années 60, effectivement, on commençait à constituer les premières bases de données. Mais la préoccupation de prédictivité et de développer des outils et des méthodes de traitement étaient déjà là. Je rappellerai que c'est au BRGM qu'est née, d'une certaine façon, la discipline de la géostatistique par Georges Matheron, qui ensuite est parti à l'école des Mines continuer ses recherches et les diffuser, mais ça a été initié au BRGM. Et donc très rapidement, à partir de l'accumulation de données, de savoirs, en particulier dans le domaine minier, comment faire de la prédictivité minière et développer des méthodes. L'aspect diffusion a été fortement marqué depuis longtemps avec, pour ceux qui se souviennent, 3615 BRGM qui était un moyen d'accéder à des données du BRGM sur minitel, mais en tout bien, tout honneur. En 98, l'ouverture du site InfoTerre, qui ouvrait déjà, avec une interactivité complète... enfin qui donnait l'accès aux données de la BSS, la Banque du sous-sol, aujourd'hui, c'est 800 000 forages sur le territoire, aux données de la carte géologique et aux données d'autres bases de données dans le domaine des risques, dans le domaine de l'eau, géophysique, etc. Il y a eu un virage important, je pense, dans le début des années 2000, sous la présidence de M. Cabaret et avec l'impulsion d'Yves Caristan avec un projet qui s'est appelé Terre virtuelle. La volonté d'essayer d'identifier... Enfin, c'était déjà la reconnaissance que le numérique était un des piliers forts si l'on voulait pouvoir exploiter et valoriser les données du sous-sol. Et de ce projet Terre virtuelle sont nées un certain nombre de lignes de force qu'on voit encore aujourd'hui autour de la gestion des données, de l'interopérabilité, qui est devenu un mot banal aujourd'hui mais qui a commencé à être prononcé difficilement parfois à cette époque, et de la volonté de dire que la géologie et les données du sous-sol n'étaient pas seulement faites par les géologues pour les géologues, mais devaient pouvoir être utilisées par d'autres pour des usages et des applications variés. Ça supposait de l'interopérabilité, la capacité à travailler ensemble. On a donc beaucoup travaillé sur ça, sur la standardisation pour pouvoir faire ce dialogue, l'ouverture de systèmes distribués qu'on a développés notamment avec nos collègues britanniques. On a piloté, on pilote toujours un portail qui s'appelle OneGeology qui regroupe 120 pays pour diffuser des données de cartes géologiques. Ça, c'est grâce à ces avancées techniques et au partenariat fort qu'on a toujours avec le BGS qu'on arrive à animer ça au niveau mondial. Donc, une architecture de diffusion beaucoup portée par ce qu'on appelle les Web services. Aujourd'hui, 100 fois par seconde, 24h/24, 365 jours par an, 100 fois par seconde, il y a une demande à nos serveurs pour fournir une information cartographique. Donc ça donne un peu la dimension de cet accès aux données, qui est largement au-delà de ce qu'était la consultation traditionnelle en bibliothèque ou dans nos centres d'accès, qui existent toujours. Aujourd'hui, et ça a été cité aussi, l'open data, l'open science, donc la question non seulement d'ouvrir des données mais d'ouvrir les outils pour produire de la recherche, d'être capable de faire de la reproductibilité sur la recherche, ce sont des enjeux majeurs. Ça suppose d'aller encore plus loin sur la capacité de description sémantique de nos concepts, être bien sûr que ce qu'on appelle par un mot est compris par celui avec lequel on dialogue. Voilà. Au-delà de tout ça, aujourd'hui, il y a une multiplication des données qui proviennent non seulement des acteurs du BRGM mais des acteurs du monde académique, des acteurs industriels et du citoyen sur un certain nombre de sujets. Donc il faut être capable de faire le pont entre tous ces domaines, enfin, tous ces types d'acteurs qui produisent des données avec des capteurs de nature très différente, donc des précisions très différentes, et on met tout ça dans des plateformes. C'est un terme assez courant dans le domaine du numérique mais qui doit prendre tout son sens aussi dans nos domaines. Est-ce que les plateformes réuniront les industriels, les académiques à disposition de tous ? Est-ce que ça sera des plateformes par filières ? On ne sait pas encore. C'est une des questions qu'on se pose et pour lesquelles on attend aussi des éléments du plateau qui est là, je pense. Pour pouvoir exploiter tout ça, aujourd'hui, on a à notre disposition un tas d'outils d'intelligence artificielle, de big data qu'il faut pouvoir exploiter pour produire toujours et encore de la prédictivité, enfin, pour faire de la prédictivité, ce qu'on faisait depuis, comme M. Jourdain, sans le savoir, depuis pas mal d'années. Mais aujourd'hui, je pense que ça sera abordé par certains intervenants. Le terme de jumeau numérique : comment est-ce qu'on va arriver à reproduire le fonctionnement d'équipements et mixer, coupler avec le sous-sol ? Voilà tout un tas de sujets qui nous interpellent en tant que BRGM pour savoir comment on doit se positionner en tant que service géologique national dans le futur, sur quelles données, avec quels partenaires, pour produire quels types de services.

Merci beaucoup. J'aimerais maintenant passer la parole à Bernard Tardieu qui a une grande expérience. Vous avez une grande expérience dans le domaine industriel du génie civil. Pour vous, depuis quand le sujet des géosciences prédictives intéresse l'industrie ? Et finalement, comment est-on passé de cette expertise académique à une application plus industrielle ?

D'abord, merci au BRGM de m'avoir invité. C'est très gentil. La tradition de recherche en France est ancienne. Vous connaissez tous le nom de Caquot, le nom de Cohen, La différence, c'est que Cohen a exporté, ce qui est beaucoup moins le cas de Caquot. Mais pendant un certain temps, enfin ce que j'ai découvert quand j'étais jeune ingénieur, c'est qu'en France, on n'était pas très bons en mécanique des sols, et encore du temps de Serre-Ponçon, Cohen a fait venir 3 experts américains. Quant à la mécanique des roches, elle a vraiment démarré avec l'accident de Malpasset. Et dans les deux cas, on se rend compte que c'était la compréhension de l'eau dans la structure qui n'était pas une pratique très forte en France, de comprendre que l'eau n'est pas une force externe mais une variable d'Etat. Et ça, le ministère de la Recherche, ou chargé de la Recherche, ils l'ont changé, a bien compris ça parce que dès la fin des années 80, c'était en 89, il y a eu une série de programmes de recherche. Il y a eu un GRECO "géomatériaux", il y a eu un PROJEC, il y a eu un CORGEC dont j'étais vice-président, etc. Il y a eu des sauts technologiques. C'est-à-dire que le ministère de la Recherche a vraiment mis des bottes et mis les mains dans la terre pour aller assez loin, pour développer des savoir-faire dans les universités, dans les écoles, et les interconnexions étaient très fortes. Alors, vous allez me dire : "Ça donnait quoi ?" Alors évidemment, c'est toujours sévère comme question. Il se trouve qu'en pratique, l'effet de tous ces gens formés par la recherche, c'est qu'après, ils étaient embauchés, après, ils allaient dans les entreprises, dans les bureaux d'études ou chez les grands maîtres d'ouvrages, et ils arrivaient avec leur bagage, avec cette science qui était avec eux. Et ça, ça a vraiment innervé l'ensemble de la démarche et des maîtres d'œuvre pendant longtemps. Au niveau international, on s'est fait entendra dans ces domaines-là, mais le niveau n'a pas vraiment monté depuis 20 ou 30 ans parce que les grands centres de recherche internationaux qui étaient plutôt aux États-Unis et en Europe avaient moins de grain à moudre dans le domaine des grands barrages et même des souterrains. Mais pourtant, ce qui a été fait est acquis. Donc je suis très reconnaissant au ministère chargé de la Recherche d'avoir autant aidé notre métier pendant plus de 20 ans. Ça a continué. Je crois que pas mal de choses étaient payées par l'Andra, mais Cigéo était directement un héritier des CORGEC, des PROGEC et du GRECO.

Je crois que vous aviez quelques exemples de jumeaux numériques, notamment.

Alors là, je voulais revenir, parce que... Mon voisin a parlé de jumeaux numériques. C'est un sujet qui me tient à cœur. Déjà en 97, on avait écrit, avec Odile Ozanam, excellente collaboratrice qui est à l'Andra maintenant. Un petit livre sur ce sujet. Pourquoi est-ce que le jumeau numérique a un sens particulier dans nos domaines ? Simplement parce que dans les grands ouvrages de génie civil, ou en ouvrages souterrains, on ne connaît pas les lois rhéologiques, on ne connaît pas les paramètres, on sait simplement que ce sont des comportement complexes. Et donc si on considère qu'on fait un calcul et qu'ensuite, on fait le barrage ou on fait le souterrain, etc., en fait, on ne fait que reproduire des données qu'on a trouvées dans la littérature sans rien apprendre. L'usage du jumeau numérique, c'est qu'on se dit : "Je vais faire un modèle." À l'époque, parce que c'était en 97, il n'y avait pas tout ce qu'on aurait pu faire maintenant. Mais on représente un modèle et on va représenter numériquement la construction, soit par couches pour un barrage, soit, pour un tunnel, en le creusant, etc. On va mettre la mise en eau, la mise en charge, la consolidation, le fluage, les différents séismes, et à chaque fois, on va comparer ça avec les mesures, puisque le jumeau numérique n'apporte vraiment quelque chose parce qu'il est associé avec des mesures de grande qualité. Il n'y a de vrais progrès que dans la mesure en physique, tout le monde le sait. Et donc on va faire ces mesures, on va choisir les endroits, on va mesurer les déplacements, les pressions en statique ou en dynamique, et ensuite, on va suivre. Mais il y a quelque chose qu'il faut bien comprendre. Il ne s'agit pas de prendre un modèle simpliste et de changer les paramètres à chaque étape, parce que ça n'a aucun intérêt. On n'apprend rien, juste que ce n'est pas élastique, ce qui est assez facile. Et donc, il faut vraiment arriver à se dire : "Je fais un modèle dans lequel la loi rhéologique "est telle qu'elle va suivre "des phénomènes non affines, statiques et dynamiques. "Et une fois que j'aurai caractérisé ce modèle, "j'aurai un vrai jumeau numérique "qui permettra de suivre et d'améliorer mes prédictions au cours de la vie de l'ouvrage." Je peux donner deux exemples ?

Allez-y, je vous en prie.

Je ne vais pas être trop long. Le 1er, c'est le barrage Infiernillo au Mexique. Il a été construit entre 60 et 63, ce qui a été rapide pour un barrage de 150 m de hauteur, mis en eau à partir de 64. Il subit un 1er séisme en 79, puis une série d'autres dont un gros en 85. Et au Mexique, beaucoup de mesures avaient été faites. Et donc ça a permis... Elles ont été suivies, y compris pendant les séismes en dynamique. Le jumeau numérique représente la construction du barrage, la consolidation dans le noyau, la mise en eau du barrage, le premier séisme. Et à chaque fois, on mesure. C'est-à-dire que quand on arrive à la fin de la construction du barrage, bien sûr, on est arrivé en haut, donc le tassement se mesure à cœur. On a eu un mètre de tassement. Ensuite, on regarde le premier séisme. On a eu 20 cm plus 4 cm décalés. Et de proche en proche, on cerne le modèle, toujours le même, avec l'écrouissage couplé avec la présence de l'eau comme variable d'état. Et à la fin, on se dit : "Ben peut-être que sur cette base-là, "je peux prévoir "ce que sera l'effet du séisme de référence majeure sur ce barrage car j'ai vraiment compris comment il fonctionne." On n'a pas de preuves, parce que le séisme de référence, on l'a pas subi, bien entendu. Enfin, bien entendu... Non, on sait jamais. Le 2e, c'était une mine de cuivre à El Teniente, au Chili. C'est une mine de cuivre qui s'étale sur 1 000 m de profondeur. On est à la zone de subduction, bien entendu. Enfin, je dis ça à des géologues... Et il y a des niveaux de foudroyage, des niveaux de production, des niveaux de ventilation, des niveaux de transport. Et donc à force de faire des abatages, on a des zones remplies de matériaux foisonnés. Et donc forcément, les contraintes sont tournées tout autour. Les cisaillements augmentent autour. Comme on est déjà à la limite, par définition, dans une zone de subduction, on fait des rockbursts et on fait sauter, on fait tomber les galeries de transport et donc on met en jeu les gens. Donc on représente... On n'avait pas les moyens qu'on a maintenant, dont j'aurais rêvé à l'époque. On ne représente que ces galeries de transport et on fait marcher des trains d'ondes, et on regarde quels sont les résultats à la fois sur les ancrages au toit et sur les chutes de toit, mais aussi sur les montées du sol. En général, on ne mesure pas le sol, mais là, on a exigé qu'on le mesure. Et on est arrivés à mieux comprendre l'effet des rockbursts et comment on pouvait changer les ancrages, améliorer les ancrages, mettre des ancrages aussi au front et au sol pour faire une prédiction meilleure pour le futur. Donc toute l'idée du jumeau numérique, c'est d'apprendre continûment pour faire une prédiction qui se tienne.

Merci beaucoup. On va maintenant passer à une tout autre échelle avec Frédéric Plas de l'Andra. Là, on était sur des ouvrages de génie civil, donc sur des modélisations de "court terme", puisque vous, à l'Andra, vous travaillez sur des modélisations à très long terme. Vous essayez de prévoir les évolutions du sous-sol sur un million d'années. Alors une question relativement simple, c'est : comment travaillez-vous et comment gérer les risques sur des échelles de temps si longs ?

Merci. D'abord, bonjour à toutes et à tous et aussi bonjour, chers collègues. Moi aussi, je suis de formation géosciences, donc on est ici entre nous. La question nous est souvent posée : "Mais comment vous faites ?" Parce qu'effectivement, le projet Cigéo, c'est le centre industriel de stockage des déchets radioactifs les plus dangereux. On parle ici des déchets de haute activité, Pour les connaisseurs, on est à quelques milliards de becquerels par gramme ou plus, et puis des déchets de moyenne activité mais à vie longue. On est ici sur des radioactivités dont les périodes peuvent aller au-delà du million d'années. L'iode 129 ou le chlore 36, on commence à être à 15, 20 millions de période. L'objectif, avec ces déchets radioactifs qui sont présents sur le territoire français, c'est de protéger l'homme et l'environnement. Et la solution de référence qui a été choisie, c'est celle du stockage géologique. L'objectif, c'est d'éloigner ces déchets les plus dangereux de la surface de la biosphère et de les éloigner le plus longtemps possible le temps que leur radioactivité ait suffisamment décru. Bien évidemment, compte tenu de l'activité des périodes, on est sur une échelle de temps du million d'années. C'est beaucoup pour un humain, c'est très peu pour un géologue, mais c'est une échelle de temps absolument considérable. Dans ce cadre-là, la géologie est le pilier de la sûreté. Je ferai une digression pour dire que ce concept-là, il a été pensé au départ par des géologues, par un grand géologue qui s'appelait Jean Goguel au début des années 80. Ce sont des géologues qui ont pensé ce concept-là parce qu'ils ont en eux effectivement la logique du temps, et le temps est extrêmement important en géologie. J'ai envie de dire que c'est presque la science du temps. Et c'est donc des géologues qui ont pensé ce concept de stockage géologique. Juste un mot de contexte avant de rentrer sur comment on fait, en tout cas en 5 minutes. D'abord, l'objet qui nous concerne, c'est un objet qui est situé dans l'est du Bassin parisien, donc une zone connue de tout le monde, relativement simple. On est ici à 500 m de profondeur, au toit du Jurassique. Et puis la couche qui nous intéresse, c'est celle du callovo-oxfordien, une couche argileuse à 500 m de profondeur. Pour les géologues, le Callovo-Oxfordien n'existe pas. C'est une invention. À l'Andra, on connaît l'oxfordien, le callovien, mais on ne connaît pas le callovo-oxfordien. L'Andra a inventé le callovo-oxfordien. L'objet qui nous concerne, c'est un tout petit objet. C'est ce que vous voyez en rouge, c'est 35 km2 à 500 m de profondeur. Si vous pouviez mettre la...

Voilà.

Non, celle avant. Donc l'objet qui nous concerne, sur lequel on doit se projeter sur le million d'années, c'est un petit timbre-poste, c'est ce qui est en rouge, d'environ 35 km2. C'est un bloc qui fait 35 km2 avec un stockage qui serait situé à 500 m de profondeur. Et puis là aussi, historiquement, vous avez en bleu la zone un peu plus large qui fait 230 km2 sur laquelle on a établi la faisabilité du stockage. Ce choix vient d'un long processus à la fois scientifique et politique auquel le BRGM a largement contribué lorsqu'il a fallu sélectionner différents sites et puis trouver des candidats qui acceptaient d'avoir d'abord un laboratoire, puis un stockage. Ce que nous devons faire, c'est de s'intéresser à un objet qui est multi. Si vous pouviez passer à l'autre slide... On doit gérer un objet qui est multi-composants. On a des colis de déchets jusqu'au milieu géologique lui-même donc multicouche. On doit gérer du multi-matériaux. On a les géomatériaux, la roche, mais on a aussi des matériaux ouvragés : du verre, du béton, de l'acier. On doit gérer de la multi-échelle spatiale. On a des objets qui vont centimétrique, et si on va jusqu'au milieu géologique, on peut aller à plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de kilomètres. Et on a aussi à gérer une multi-physique, puisqu’un tel stockage va mettre en jeu, dans le stockage et dans le milieu géologique, de la thermique, de l'hydraulique, de la mécanique, de la géochimie. Et in fine, bien évidemment, ce qui nous intéresse, qui est du transfert de radionucléides. Et enfin, une multi-échelle de temps. On parle du million d'années, mais on a aussi à gérer la phase d'exploitation qui dure une centaine d'années. Tout ça, effectivement, ça nécessite, et c'est un exercice que nous pratiquons depuis 20 ans, un grand besoin d'intégration, donc un fonctionnement qui n'est pas un fonctionnement en silos, mais qui est un fonctionnement dans lequel l'ensemble de ces multi vont devoir converger et converger avec un certain nombre d'outils. C'est d'abord une intégration multidisciplinaire. On ne voit pas la géologie seule, on ne peut pas voir la géomécanique sans voir de la géochimie, de la géochimie sans l'hydrogéologie, l'hydrogéologie sans la géomécanique. Et donc ça nécessite non seulement un grand travail de caractérisation sur chacune de ces disciplines, mais une capacité à faire converger l'ensemble de ces disciplines de manière à ce que le géomécanicien, il parle au géochimiste, que le géochimiste parle à l'hydrogéologue, de manière à avoir une vision très intégrée de cet objet géologique. Et puis, complexité supplémentaire, on y rajoute bien évidemment un stockage géologique qui va rajouter un certain nombre de contraintes ou de sollicitations. Et enfin, la vie ne s'arrête pas uniquement à la terre. On doit aussi regarder ce qui se passe en subsurface et en surface. On doit aussi intégrer un certain nombre de disciplines, comme les changements climatiques, les évolutions géodynamiques internes et externes. Et donc, une grande leçon de ces au moins 20 ans déjà de développement du projet Cigéo, c'est la nécessité vraiment de faire parler ensemble toutes les disciplines pour pouvoir bâtir un objet qui a une cohérence globale, multi-échelle, multi-physique et multi-matériaux. C'est aussi une intégration multi-échelle spatiale. On a un gros objet, mais comprendre ce gros objet, ça nécessite d'intégrer vraiment des échelles là aussi très différentes. C'est un effort de caractérisation, de cohérence, d'upscaling ou de downscaling permanent qui permet de passer depuis des échelles extrêmement petites de compréhension des processus fondamentaux à travers par exemple de la dynamique moléculaire jusqu'à bien évidemment des échelles de plusieurs centaines de kilomètres carrés, qui est donc l'échelle à laquelle se passent les grands processus géologiques et géodynamiques. Et c'est là aussi la nécessité d'assurer cette intégration multi-échelle. Et vous voyez que le stockage géologique, lui, se situe dans cette échelle de l'ordre métrique à plusieurs dizaines de kilomètres. Et c'est donc la manière avec laquelle on remet en perspective l'ensemble des processus et qu'on est capable, sur le fond, de donner une échelle de temps et une échelle d'espace cohérentes sur les processus qui vont se dérouler. Dernier point. La caractérisation, c'est une chose, mais on a besoin d'outils d'intégration. J'ai parlé des outils, je vais en citer deux. Ils ne sont pas uniques, on en a déjà parlé. Bien évidemment, tous les outils de gestion des données, d'acquisition des connaissances sont extrêmement importants, mais on a deux outils fondamentaux pour assurer ceci. D'abord, la modélisation géologique et les géomodeleurs qui vont agréger la connaissance multiple. Ici, on a juste une représentation géométrique, mais en réalité, les géomodeleurs peuvent aujourd'hui aller jusqu'à un habillage en propriétés physico-chimiques du milieu géologique aux différentes échelles qui sont pertinentes pour le problème. Et d'un autre côté, on a tout ce qui se fait en termes de BIM et de développement de maquettes numériques. C'est assez commun dans l'industrie aérospatiale. C'est plus nouveau dans l'industrie nucléaire et dans le stockage géologique, et c'est la convergence à la fois de cette modélisation géologique de cette maquette numérique. Aujourd'hui, nous mettons en jeu, à travers effectivement les jumeaux numériques... Dans un jumeau numérique, on ne va pas aller chercher l'ensemble des informations qui sont issues d'une maquette numérique. Elle va porter en elle une information très riche, on va dégrader l'information. Et ce jumeau numérique, on le passe à la moulinette d'outils de simulation numériques haute performance. On l'a dit, les progrès de la simulation numérique, et quelques grands organismes en France, et en particulier l'Andra, portent ceci, permettent aujourd'hui de pouvoir mener des simulations numériques multi-échelle de temps, multi-composants avec des niveaux de précision et de représentation tout à fait remarquables. Alors, j'en terminerai sur est-ce que finalement, on fonde la sûreté du stockage sur la simulation numérique ? Je vais un peu prendre le contre-pied de mon dernier slide. En fait, non. Je crois qu'il faut rester extrêmement prudent. Des incertitudes, il y en aura toujours. La vie est pleine d'incertitudes. La science est pleine d'incertitudes. Bien évidemment, nous ne fondons pas la sûreté du stockage sur la simulation numérique. La simulation numérique est un outil extrêmement puissant. C'est un outil puissant pour agréger la connaissance, mais il faut rester extrêmement modeste. Et c'est là peut-être que la vision du géologue, la vision du spécialiste des géosciences est importante pour garder les pieds sur terre, surtout si on se propulse sur une échelle de temps d'un million d'années. Et je vais prendre un seul exemple qui est la démarche française, qui est une démarche déterministe qui nous oppose tout à fait à ce que peuvent faire certains de nos collègues à l'étranger, en particulier des collègues anglo-saxons. Le Bassin parisien est connu pour être une zone "asismique". Maintenant, sur un million d'années, qui peut prétendre qu'il n'y aura pas occurrence d'un séisme ? On a plutôt tendance à dire que tout événement même peu probable est considéré comme certain, et donc on le prend en compte dans nos scénarios de sûreté. On ne peut pas rejeter un événement, fût-il très peu probable. Même si la simulation numérique est un outil extrêmement puissant, nous agrégeons aussi des connaissances purement qualitatives avec le bon sens, le bon sens des géosciences, qui permet bien évidemment d'identifier des incertitudes, des événements que la simulation numérique ne va pas forcément prédire, mais peut-être simplement en donner les conséquences. Et c'est sur cette combinatoire entre de la connaissance qualitative, de la connaissance numérique et finalement une approche de bon sens sur les incertitudes et le fait de considérer que tout événement, même peu probable, peut être considéré comme certain que l'on peut se projeter sur une échelle de temps du million d'années, et ceci grâce en particulier aux progrès qui ont été faits à la fois dans tous les outils des géosciences et dans des outils numériques aujourd'hui qui s'appellent le BIM et les outils de la simulation numérique. Merci.

Merci beaucoup. On va rester sur la modélisation du sous-sol mais pour d'autres objectifs avec Dominique Janodet. A Total, dans votre service de recherche et développement, vous essayez de modéliser les sous-sols en 3D. L'inconvénient de ces démarches, c'est que ça nécessite des algorithmes très gourmands en puissance de calcul. Comment avez-vous pu gérer ce problème à Total ?

Je vais peut-être revenir un peu au rôle des géosciences dans l'industrie pétrolière parce qu'elles sont finalement à l'origine et au début de tout notre business. Au départ, les prospecteurs comme le colonel Drake cherchaient les indices de pétrole en surface. Mais lorsqu'on s'est rendu compte que le pétrole, sa genèse, son piégeage était lié à des phénomènes géologiques, les géologues sont rentrés dans le jeu et ne l'ont plus quitté depuis. Ils y sont toujours et ils cherchent à progresser, parce que finalement, on n'arrive jamais à être totalement prédictifs comme on le souhaiterait. L'industrie fait encore beaucoup de puits secs. On dirait que ça fait partie du jeu, quelque part, et que tout est autour de l'évaluation des enjeux, des risques et des coûts qui y sont associés. Mais la démarche reste toujours un peu la même. C'est comprendre des phénomènes géologiques, par exemple par l'observation du terrain. Vous avez un très beau récif à l'affleurement sur la 1re image de ma slide. Et ensuite, essayer de retrouver ces éléments-là dans le sous-sol. Parce qu'un récif, ça peut être un très beau réservoir pour piéger du pétrole ou du gaz. On a trouvé une méthode extrêmement puissante pour essayer de comprendre l'architecture du sous-sol, C'est la sismique réflexion. Ça a démarré il y a déjà pas mal d'années. Au départ, c'était assez frustre. Les images n'étaient pas forcément très interprétables. On cherchait des bosses, ces formes anticlinales qui peuvent révéler un piégeage de pétrole. Et puis on s'est mis à acquérir de plus en plus de données par la sismique réflexion. Et on s'est mis à les traiter de façon plus sophistiquée. Parce que là où le terrain est à peu près plat, comme dans le Bassin parisien, on arrive assez facilement à avoir des images. Mais là où vous avez des dômes de sel, un sous-sol un peu complexe ou des zones de chevauchement, là, ça devient extrêmement difficile. Donc l'industrie n'a fait qu'acquérir de plus en plus de données, notamment par la sismique réflexion, et à les traiter de façon de plus en plus approfondie. Alors, on connaissait un certain nombre d'algorithmes, de migrations en profondeur, pour ceux qui connaissent ce sujet. On avait quand même pas mal de mal à les mettre en œuvre parce qu'on n'avait pas la puissance de calcul qui permettait de le faire. Dès les années 80, il y a de grands scientifiques, comme le Pr Berkhout, aux Pays-Bas, qui ont développé la théorie de la migration en profondeur, mais on avait vraiment besoin d'une puissance de calcul pour ça. En même temps, on s'est mis à acquérir de grandes quantités de données sismiques en 3D. On a rapidement rempli tous les disques durs existants. On a rapidement utilisé toute la capacité informatique existante. Donc on n'a pas cessé de progresser. Nous, Total, on n'a pas cessé de mettre en place des moyens de plus en plus puissants pour traiter ces données sismiques. Dernièrement, on a inauguré à Pau un grand calculateur qui s'appelle Pangea III, et qui nous donne une capacité de traitement de plus de 30 pétaFLOPS. Alors bon, 10 puissance 15, ça peut être un peu théorique. C'est la puissance de calcul de 170 000 ordinateurs personnels. Donc ça représente quand même quelque chose d'assez puissant. On est encore en train de réfléchir à qu'est-ce qu'il nous faudra dans le futur pour traiter au mieux nos données sismiques, parce qu'on continue à acquérir une donnée de plus en plus riche. On ne se contente plus des ondes P, on aimerait bien traiter les ondes S. Maintenant, on fait de la sismique répétitive. Tout ça, c'est de plus en plus de données, de données qu'il faut traiter. Alors peut être qu'on aura un Pangea IV avec encore une puissance de calcul plus forte. Ou peut-être que la prochaine étape, ça sera de traiter dans le cloud toutes ces énormes données avec des outils qui seront disponibles, qui seront mis à notre disposition par peut-être de grands groupes du numérique. Et puis ces énormes données, il faut les interpréter. Donc vous imaginez un peu le temps qu'il faut à la main. Il n'est pas si loin, le temps où, quand j'ai commencé ma carrière, enfin, c'est un petit moment déjà, où on interprétait de la sismique sur des sections papier. J'imagine qu'un certain nombre d'entre vous qui ont été confrontés à ce genre de sujet l'ont fait. Lorsque vous avez une sismique 3D qui couvre des milliers de kilomètres carrés, interpréter à la main, c'est quand même un peu long. Je ne sais pas combien de décennies il faudrait. Donc on a cherché aussi à avoir des outils d'interprétation qui nous permettent d'aller de plus en plus vite avec des outils d'interprétation automatique. Et maintenant, on cherche l'étape d'après. L'étape d'après, c'est l'intelligence artificielle. Chez Total, on a monté un partenariat avec Google pour essayer de mettre en place des systèmes de machine learning qui nous permettront d'accélérer le processus d'interprétation. Peut-être que 90 % de l'interprétation d'un bloc sismique 3D, ça se fera avec cet algorithme de machine learning. Il faudra toujours un peu d'intelligence naturelle par-dessus l'intelligence artificielle. Parce que quelque part, il y aura toujours des choix à faire en termes d'interprétation de nos données sismiques, pour savoir où se situe le toit de tel niveau en profondeur, savoir où il y aurait éventuellement une évolution de faciès dans un réservoir. Mais on ira de plus en plus vite grâce à l'ensemble de ces outils. Ensuite, une fois qu'on a foré un objet géologique qu'on pense être potentiellement un gisement, lorsqu'on a trouvé, le travail des géosciences ne s'arrête pas là. Car quelque part, il y a un sujet d'évaluation de l'objet. Qu'est-ce qui est en place ? Quelle quantité de gaz, de pétrole et ce qu'on a dans la structure ? Où faut-il implanter d'autres puits pour mieux l'évaluer ? Et là, le travail continue, une fois qu'on a évalué le champ, sur comment il va se comporter. Comment le fluide va sortir ? À quel niveau de production ? Attend-on 20 000 barils/jour, 1 000 barils/jour ? Comment est-ce que l'eau va monter dans le système ? Donc là encore, on attend des géosciences qu'elles soient prédictives. Et là encore, c'est le numérique qui nous aide, puisque notre champ, on va le modéliser avec des éléments finis. On va essayer de modéliser, de simuler les écoulements du fluide à travers le réservoir. Ça fait déjà pas mal d'années qu'on utilise des modèles numériques. Je ne les appellerai pas jumeaux car il y a toujours cette composante d'incertitude qui a été décrite précédemment et qu'on devra prendre en compte. Mais on cherche à modéliser des phénomènes de plus en plus complexes. On cherche par exemple à coupler maintenant géomécanique et simulation d'écoulement des fluides. C'est quelque chose qu'on n'a pas fait jusqu'alors et qu'on a beaucoup approximé. Maintenant, par exemple, la recherche, on travaille sur des simulateurs qui pourraient utiliser les deux mécanismes, les deux composantes. Et là, on serait peut-être beaucoup plus proche de la simulation du comportement réel du sous-sol. Donc là encore, on a besoin de puissance de calcul, parce que le jour où vous couplez géomécanique et déplacement des fluides, vous avez besoin de multiplier votre puissance de calcul par un facteur peut-être 10 ou 20. Et puis, si je veux ouvrir peut-être un peu le débat, Mme Rousseau a parlé du CCS. C'est un sujet auquel on s'intéresse. Le jour où on injectera du CO2 en subsurface, il faudra aussi qu'on soit capable de modéliser ce qui se passe. D'un point de vue thermodynamique, par exemple lorsqu'on injecte du CO2 sous forme liquide dans un champ déplété, vous avez un certain nombre de sujets à regarder. Et puis, comment va se comporter le réservoir qui aura produit des hydrocarbures, qui se sera peut-être un peu tassé lorsque vous allez injecter du CO2 à grand débit ? Eh bien ça, c'est un enjeu aussi pour les géosciences. Et là encore, il faudra que l'on soit capable de simuler les phénomènes dans la subsurface. Je dirais que les géosciences ont encore un grand avenir dans notre industrie. Pour répondre aux enjeux actuels de la production des hydrocarbures, du pétrole, du gaz, de mieux comprendre les champs, mais peut-être aussi dans le cadre d'un sujet CCS, de comprendre comment on arrivera à piéger du CO2. Et là, la composante de temps ne sera pas tout à fait la même, puisque le gisement, on le produit pendant 20, 30 ans, et quand on aura injecté du CO2 dans le sous-sol, il faudra être capable de prédire aussi, sur une plus grande longueur de temps, comment l'ensemble sera stable et le CO2 ne remontera pas. Là encore, on a des enjeux, et je pense que les géosciences ont encore un grand rôle à jouer dans tous ces domaines.

Merci beaucoup. Maintenant, je vous propose d'ouvrir cette table ronde à l'international avec Martin Peersman, qui va nous parler de la façon dont les Pays-Bas gèrent leur sous-sol, qui va également nous parler des jumeaux numériques.

Merci beaucoup. Tout d'abord, je souhaite féliciter le BRGM à l'occasion de ces 60 ans et je souhaite vous apporter les félicitations de notre ministre Mme Ollongren. Ensuite, je voulais simplement vous dire que les Pays-Bas ont également beaucoup vécu l'influence napoléonienne, puisque notre code minier, notre cadastre et même nos registres d'état-civil prennent leur inspiration dans les modèles français imposés par Napoléon. Et pour finir, toujours pour montrer l'amitié entre nos deux pays, vous savez que les couleurs de notre drapeau national sont les mêmes que les vôtres. Très bien. Moi, je voudrais vous amener du côté de l'application de la mise en œuvre. Parce que c'est très bien d'avoir plein d'idées innovantes, mais si on ne les met pas en œuvre, ça ne sert pas à grand-chose. Donc aux Pays-Bas, nous sommes partis d'un cadre européen, dans le cadre du programme INSPIRE, et nous avons essayé de créer une réalité. Nous avons créé un cadre législatif pour amener les politiques à utiliser toutes les données, que ce soit des données de subsurface, mais également des données d'organisation du territoire, des données de construction, d'immatriculation de véhicules, etc. Donc toutes ces données sont intégrées au sein d'une même base de données qui doit être alimentée par toutes les structures politiques, les municipalités, les ministères aux Pays-Bas et dont l'usage est, par la loi, obligatoire dès lors qu'il y a un projet à développer aux Pays-Bas. Une évolution qui est assez intéressante à noter, c'est qu'aux Pays-Bas, au tout début, notre agence dépendait du ministère de l'Économie et des Finances, qui était en charge du code minier et de toutes les affaires minières. Ensuite, nous sommes passés sous la tutelle du ministère des Infrastructures. Mais aujourd'hui, très récemment, nous sommes passés sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. C'est une évolution très intéressante parce que cela montre bien que nous sommes intégrés à tous les changements politiques pour passer vers ce qu'on appelle le e-gouvernement. Ça nous est imposé compte tenu des nombreux défis auxquels nous devrons faire face dans un très proche avenir. Donc les défis liés à l'aménagement du territoire auxquels nous allons devoir faire face entre maintenant et 2050, puisque l'horizon pour nous, c'est 2050, sont liés au changement climatique et au réchauffement de la planète, puisque nous avons pour objectif d'arriver à zéro carburant fossile entre maintenant et 2050. Et donc, il faut évidemment que nous permettions à nos villes de faire face aux défis en les aidant à s'équiper pour résister aux défis de l'avenir que sont bien sûr les stress hydriques mais également de plus fortes précipitations, parce que nous aurons les deux, et cela ne sera pas sans conséquences au niveau des réseaux d'égouts. Donc les municipalités vont devoir travailler pour adapter leur réseau d'égouts et vont devoir également construire des bassins de rétention des eaux. Et bien entendu, tout ceci en poursuivant le développement économique de notre pays. Vous savez que les Pays-Bas sont un petit pays qui, pour son développement économique, se fonde beaucoup sur l'exportation de produits. Donc toutes les infrastructures, que l'on parle de routes, de transport par voie ferroviaire ou de transport par canaux et évidemment d'aéroports avec le grand aéroport de Schiphol, tout ceci est important pour nous. Dernier défi auquel nous devrons faire face, c'est celui du passage vers une agriculture que nous décrivons comme une agriculture circulaire. Les Pays-Bas sont le 3e pays au monde pour ce qui est de la densité de population. Nous sommes 60 millions d'habitants sur un territoire qui est beaucoup plus petit que celui de la France. Nous exportons 70 % de notre production agricole et, dans le monde, 40 % des productions végétales partent de graines et de semences qui sont produites aux Pays-Bas. Donc nous sommes très présents au niveau agricole. Et notre modèle agricole aujourd'hui est un modèle qui acidifie les sols, qui favorise le ruissellement, donc il va falloir que nous passions à un modèle d'agriculture circulaire avec des exploitations plus petites. Récemment, les agriculteurs aux Pays-Bas sont descendus dans la rue, ça veut dire qu'ils se réveillent, qu'ils ont compris que nous étions en train de changer et qu'ils protestent. Je voulais vous montrer cette photo parce que je voulais vous maintenir en état d'alerte. Vous voyez, sur la photo complètement à droite de l'écran, la ville de Paris, et puis de l'autre côté, vous avez les villes de Rotterdam, d'Amsterdam, et vous avez un triangle vert foncé qui correspond à la zone du delta du Rhin et qui est en fait la zone des polders, et qui vous montre la part très importante de terres aux Pays-Bas qui sont situées en dessous du niveau de la mer. Donc évidemment, avec une telle géographie, nous sommes très dépendants des ouvrages qui permettent de contenir les eaux, des barrages, etc. Parce que le jour où on a une augmentation du niveau de la mer, on sera tous à essayer de boucher nos barrages pour sauver nos terres. Et tous ces travaux... Je vous le disais, nous sommes très dépendants des infrastructures pour notre développement économique. Nous dépensons beaucoup d'argent pour aménager le Rhin pour pouvoir acheminer des biens par navigation fluviale ou maritime. Nous dépensons chaque année près de 2 milliards d'euros sur la construction ou le réaménagement de nos routes, 7 milliards d'euros sur tous nos ouvrages le long de nos rivières ou sur nos côtes. Bref, tout ce travail nécessite impérativement que nous puissions travailler de manière intégrée entre les différents experts et que nous ayons une approche intégrée subsurface-surface. Et donc cette intégration passe par la collecte de données, la collecte de données auprès des municipalités, mais aussi également des grandes sociétés de distribution d'eau, des réseaux de chaleur. Bien entendu, nous avons aussi tout intérêt à travailler avec les télécoms, les sociétés de télécoms, puisque là, on parle de collecte de données, de connexion à des réseaux, et c'est là que nous pourrons mettre en œuvre ces politiques d'aménagement du territoire qui seront totalement intégrées et transparentes auxquelles participeront les élus, les décisionnaires politiques, les aménageurs, mais également nous, les techniciens, les géologues. La vidéo que je viens de vous montrer vous donnait l'exemple d'une digue construite sur un lac et sur une rivière, mais ça, on le fait à tous les niveaux aux Pays-Bas. Chaque municipalité doit, de par la loi, disposer d'une modélisation 3D de son territoire. C'est obligatoire par la loi. La modélisation doit tenir compte des constructions en surface, des aménagements en surface, des infrastructures, mais ensuite, en sous-sol, de tout ce qui est les canalisations, les constructions de tunnels, etc. Et tout cela est utilisé ensuite pour pouvoir faire quoi ? Tout simplement pour pouvoir anticiper, pour pouvoir planifier les choses, parce que sur un modèle, on peut se permettre de faire des erreurs, on peut tester et faire des erreurs. Par contre, dans la réalité, c'est moins possible. Et la grande valeur de cette initiative, c'est que cela permet aux scientifiques, aux experts, aux géologues, aux aménageurs, aux décisionnaires, aux politiques et également au public de travailler ensemble. Cette initiative permet d'impliquer toutes les parties prenantes. Et moi, je voudrais simplement partager avec vous un commentaire que m'a fait le maire d'Amsterdam un jour, qui me disait : "En mettant toutes ces données disponibles "de manière totalement transparente, accessibles à tous, "vous nous libérez un petit peu du diktat des professionnels, "c'est-à-dire que maintenant, on peut avoir un dialogue "avec tous les experts sur un pied d'égalité parce qu'on comprend et que les données sont disponibles." Et dernière illustration pour vous montrer jusqu'où on peut aller pour entamer le dialogue avec les citoyens, en leur proposant des casques de réalité virtuelle pour qu'ils puissent visualiser vraiment ce qu'il y a sous leurs pieds. Voilà.

Merci beaucoup et merci pour la traduction. Pour conclure ce tour de table, on va passer à un échelon encore plus international, global. Donc John Ludden, on va parler avec vous de l'environnement. Quel rôle joue le sous-sol dans la transition énergétique, pour vous ?

Merci et félicitations au BRGM. De passer à la fin et de voir que tout est déjà dit... Des fois, on peut laisser un message. Donc, j'ai demandé à Pierre ce qu'il fallait que je dise. Il m'a dit qu'il fallait secouer le cocotier. Je vais essayer de faire ça. Moi, j'ai travaillé, comme vous avez vu, peut-être, dans le domaine académique. J'étais directeur de recherche au CNRS et j'ai dirigé le BGS. Je crois qu'il y a une chose, qu'il y a une méfiance entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Ça existe toujours, et je crois que se réunir, c'est fondamental pour la géosciences. Je crois qu'il y a un genre de malentendu entre les domaines plus environnementaux, climatiques, et la partie science de la terre, de la planète. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire ? Je dirais que les sciences de la terre comme on les a connues, c'est fini, je suis convaincu que c'est fini. Je regarde les gens ici, vous êtes en gros... Je ne vois pas beaucoup de gens de la génération des millennials. Il n'y en a pas beaucoup. Au BGS, on a eu la chance de rajeunir la population de scientifiques. Et là, j'avais 200 géologues de cette génération. Et on a posé la question en faisant la stratégie qu'on vient de refaire. Il y a une nouvelle directrice du BGS qui reprend ça. Et la question... Le problème No1 que les gens voulaient résoudre, c'était la décarbonisation de la planète. On peut dire que nous, les géologues, surtout nous, en Grande-Bretagne, on a créé la révolution industrielle, c'est nous qui avons commencé à mettre le charbon dans le système. C'est aux géologues d'essayer de l'enlever. Et je crois qu'on a un rôle à remplir dans ce domaine. Et évidemment, pour le faire, c'est pas à nous tout seuls. Il faut partager le travail entre les chercheurs qui font la recherche de pointe qui est nécessaire, jusqu'à l'application de ces problèmes. Et en sciences de la Terre, si on regarde la médecine, si on regarde la science de la médecine, les médecins disent : "Il y a un problème, cette personne est malade. "Qu'est-ce qu'on va faire ? On va trouver une solution pour cette personne malade." Nous, en sciences de la Terre, pas seulement celles-ci mais les géosciences en général, ils ont tendance à dire : "La planète est malade, la planète est malade." Mais ils n'ont pas encore dit ce qu'ils vont faire pour résoudre ce problème de la maladie de la planète. Et c'est évidemment que la maladie, c'est la géologie combinée avec les sciences sociales, avec les sciences d'ingénierie et avec toutes les sciences. Donc... Je crois que ça va être très difficile à l'avenir, pour les enseignants des sciences de la Terre, d'enseigner comme on a enseigné avant. En Angleterre, on voit de plus en plus que c'est une dirty science, et on a de plus en plus d'interventions difficiles à gérer. Moi, j'étais la semaine dernière au Scottish Oil Club, et on avait du mal à parler. Il y avait du monde et les gens posaient des questions : "Pourquoi vous êtes toujours en train de sucer le pétrole ? Pourquoi vous faites ça ?" Donc il faut qu'on change de dialogue, Il faut qu'on change le message. On a la possibilité de le faire parce qu'on a une révolution dans la discipline, comme vous venez de voir, avec l'arrivée de la nouvelle technologie, les high sensivity senses, la visualisation et la modélisation, les digital twins, des choses comme ça. Donc on a la possibilité de faire ça. Vous avez vu... À Londres, aux Pays-Bas, en fait, ils ont poussé la modélisation et le concept de digital twins. C'est pas nécessairement des choses qu'il faut faire dans tous les pays. Nous, en Angleterre, cette pratique sera probablement faite par une partie du gouvernement qui est une commission spéciale qui aura ce rôle. À mon avis, pour nous et peut-être pour le BRGM, il y a toujours un R dans le BRGM, il y a de la recherche, mais la recherche en amont, en essayant de mettre en place les solutions... Et je vais vous donner 2-3 exemples de ça. Évidemment, il y a la décontamination pour les déchets radioactifs, carbon capture and storage et tout ça. Mais en se dirigeant vers Total, vous avez tout à fait raison, il faut comprendre comment les fluides migrent, il faut pouvoir les modéliser, il faut pouvoir... maîtriser tout ça. Mais il n'y a pas, en Europe, un laboratoire naturel pour le faire. On a parlé ici de mettre en place un laboratoire où on pourrait vraiment commencer à faire ce genre d'étude, de comprendre la capture de CO2 et tout ça. Donc pourquoi pas quelques grands projets en sciences de la Terre qui passent de la recherche fondamentale à la recherche appliquée ? On a même des innovations avec ça. Et je vous donne 3 exemples. Un laboratoire souterrain technologique, un peu comme pour l'Andra, mais pour autre chose. Moi, j'ai un projet personnel, en fait, mais c'est devenu un projet international de forer dans un champ magmatique en Islande et de comprendre comment marche le magma pour plusieurs raisons. Ce sont des projets d'enjeux de sciences de la Terre qui sont très visibles. Et en revenant vers les données... Évidemment, le BRGM et le BGS, dans la discipline donnée en Europe, on mène un petit peu la partie recherche. Et j'ai poussé il y a longtemps un projet, EPOS, European Plate Observing System. C'est un grand projet européen maintenant, et j'ai eu du mal avant ça au survey. Ils ont trouvé ça trop difficile. Mais en fait, c'est un projet qui sert de base de données pour les sciences de la Terre en Europe. En ce moment, le BGS et le BRGM font ça ensemble avec l'aide d'autres surveys aussi. Concernant la partie recherche, maintenant, il y a 3 ans maintenant, j'ai commencé un 2e projet qui s'appelle The Ultimate Earth Project, et c'est un projet pour donner future merging technologies, un projet sur qu'est-ce qu'on peut modéliser et qu'est-ce qu'on peut mesurer sur la Terre. Évidemment, il faut le faire. Bon. J'ai eu du mal avant ça au niveau européen. Mais en parallèle, les climatologues ont mis en place un projet et on s'est mis ensemble, les sciences de la Terre et les climatologues, pour essayer de pousser un projet qui s'appelle ExtremeEarth qui, pour l'instant, n'a pas réussi. Mais bon, je crois que le concept est très bon. L'idée d'ExtremeEarth, c'est que si les climatologues veulent faire la modélisation quasiment kilométrique du climat et des applications du climat, ils ont besoin d'algorithmes très poussés pour ça, évidemment. Et ils nous ont dit : "Qu'est-ce que vous pouvez faire qui est aussi bon que ça ?" On a dit : "On peut faire les choses en sismologie. "On peut faire les modélisations de la vibration qui est aussi poussée que ce qu'ils voulaient faire en climatologie. Donc l'idée est là, c'était de faire un projet de high performance computing pour les climatologues, de high performance computing pour les sciences de la Terre, et on a tout ce qui est edge computing qui sont les applications de ce qu'on fait avec ces performance computers. Ça veut dire la modélisation de la végétation, la modélisation du sous-sol, etc. Donc le message, en gros, c'est que je crois que les sciences de la Terre comme on les connaît, c'est fini. Je crois que... Je me demande si on doit enseigner la pétrologie dans une université. Mais par contre, Elon Musk va bientôt faire atterrir quelque chose sur la Lune. On aura toujours besoin de pétrologues pour ça. Donc il y a cette question d'où est-ce qu'on commence et qu'est-ce qu'on arrête. Moi, je crois qu'il y a un rôle pour les surveys sur la Lune aussi. Parce qu'évidemment, si jamais on habite dans les planètes, sur la Lune ou sur Mars, il y aura tout ce qui est geoengineering derrière tout ça. Et c'est un rôle pour nous, et il ne faut pas oublier ça. Donc en gros, où est-ce qu'on va, maintenant ? Il faut repenser ce qu'on enseigne pour les sciences de la Terre. Il faut vraiment faire que les surveys collaborent comme il faut avec les instituts de recherche et universitaires. En France, c'est pas mal, vous le faites très bien, assez bien. Nous, en Angleterre, c'est de mieux en mieux. Dans d'autres pays, c'est quasiment pas fait. Donc il faut vraiment faire ça. Et il faut qu'on commence à pouvoir parler la même langue que les climatologues, que les environnementalistes, que les gens qui étudient l'écosystème pour mettre en place un modèle de la Terre qui n'est pas uniquement... les enveloppes superficielles de la Terre mais qui est la Terre et les enveloppes superficielles. Il y a quelques années, je vois quelqu'un dans la salle qui connaît très bien ça, quand le European Research Council s'est mis en place, le groupe Earth System Science n'avait pas de géologues, au départ. Quelqu'un m'a téléphoné et m'a dit : "Il y a un problème." Donc on a trouvé 3 géologues. Mais à un moment donné, il y avait un genre de concept, d'idée que pour le système Terre, vous n'avez pas besoin de faire de la géologie parce que le système n'est pas assez rapide, etc. Ça a changé, mais voilà. Ça, c'est mon message. Merci.

Merci beaucoup. Il nous reste une dizaine de minutes avant que M. Cabaret ne vienne conclure cette 1re table ronde. On a peut-être le temps de prendre des questions du public, si quelqu'un a une question pour l'un de nos intervenants.

Oui. Alors voilà, effectivement, si vous avez des questions dans le public, c'est le moment de les poser. À moins que tout ait été dit de façon tellement fine et précise que les questions et les interrogations soient toutes levées. Ah. Yves Le Bars.

Je ne sais pas si le micro marche.

Oui, il marche.

Yves Le Bars, oui. C'est une question à notre ami hollandais. J'ai entendu que depuis le Moyen Âge, le sol des Pays-Bas avait baissé de 2 m. C'est un spécialiste des systèmes hydrauliques hollandais qui nous disait ça dans une conférence de l'Action française pour la prévention des catastrophes naturelles à laquelle j'assistais. Alors, ce n'est pas apparu dans cette présentation où la géologie donne le temps, pas si longtemps que ça, un millénaire, mais quand même. Est-ce vrai ?

Merci pour votre question. C'est une question très intéressante, mais que j'ai abordée d'une manière détournée lorsque je vous ai parlé de l'agriculture et que je vous disais qu'il fallait que nous revenions à un modèle d'agriculture circulaire. Pourquoi ? Parce que le sol des Pays-Bas est pour un tiers composé de tourbe, et qu'avec de l'élevage laitier intensif, on a beaucoup endommagé la tourbe qui s'est oxydée, et tout cela s'est traduit par un tassement des terrains. Effectivement, on a perdu 2 m depuis le Moyen Âge. Et tout cela a évidemment des conséquences, des conséquences sur nos infrastructures. Donc il faut qu'on arrête. Il faut absolument qu'on arrête ces politiques agricoles intensives, ces pratiques agricoles intensives, qu'on arrête l'élevage laitier intensif, qu'on produise du lait, mais pour notre consommation nationale, et qu'on arrive à des modèles agricoles circulaires.

Une autre question. Si vous pouvez vous présenter...

Bonjour. Je suis la directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité dont le BRGM, d'ailleurs, est un des membres fondateurs. J'ai une question. Plusieurs enjeux ont été abordés, mais il me semble qu'il y a un enjeu tout de même qui n'a pas été abordé, c'est l'enjeu de la biodiversité et de son érosion. Je voulais savoir comment vous appréhendez les enjeux de la biodiversité, principalement, effectivement, la biodiversité du sol, du sous-sol et des interactions qu'il peut y avoir entre les différents milieux, puisqu'on sait très bien, par exemple, que si le sol des Pays-Bas a baissé de 2 m, c'est aussi en raison des processus biologiques d'oxydation, de minéralisation de la matière organique. Donc tout ça, je pense qu'on doit le prendre en compte. Je voulais savoir, c'est une question collective, comment est-ce que, vous, dans vos processus de prédiction, vous prenez en compte le vivant, non seulement pour les impacts que vous pourriez avoir sur le vivant, mais aussi pour les rétroactions que le vivant pourrait avoir sur les installations, etc.

Alors, qui souhaite répondre ?

Je vais démarrer et ensuite, la question était posée à Martin Peersman, pour les Pays-Bas. Oui, tout à fait. Je n'ai pas parlé de ça, mais le BGS et les surveys de façon générale sont souvent impliqués dans les critical zone observatories. C'est des régions où on essaie de comprendre l'interaction en surface, etc. Donc nous, en Grande-Bretagne, on a mis en place 2 observatoires pour l'énergie de l'avenir, un à Glasgow, où on regarde le low temperature geothermal dans la ville. Mais en même temps, on a mis en place un laboratoire qui est associé à ça. Donc on regarde les sols, la biologie, la base line... On essaie de prendre, un peu comme ils ont fait pour l'Andra, un kilomètre cube de roche et de comprendre ça vraiment comme il faut. Mon idée, c'est qu'on ne comprend pas exactement ces choses comme il faut. C'est pour ça qu'il faut de la modélisation, mais il faut aussi des laboratoires pour tester les modèles. Et ensuite, les systèmes de remédiation pour résoudre les problèmes.

Je peux peut-être ajouter un commentaire également pour la partie industrie. J'étais aux Pays-Bas avant, donc j'ai vécu le sujet que M. Peersman décrit sur la decomissioning, puisque nos plateformes arrivent en fin de vie et que c'est un sujet qu'on regarde de très près. Je dirais aussi, d'une façon générale, que ce qu'on cherche à faire, c'est réduire au maximum l'impact de nos activités sur le milieu et sur l'environnement. Par exemple, quand on parle d'acquérir de la sismique pour avoir des données du sous-sol, on développe des techniques de moins en moins impactantes. Par exemple, dans les zones de forêt dense, on étudie la possibilité de faire de l'acquisition sismique avec des drones qu'on accroche sous des dirigeables et on laisse tomber des capteurs qui sont complètement biodégradables. Donc pas besoin d'envoyer des gens dans la forêt, d'ouvrir des layons. Donc on essaie de développer des techniques de moins en moins impactantes. En mer, pareil, on regarde le vibrateur marin, quelque chose qui serait probablement moins perturbant pour la faune que les air guns qu'on utilise. Je pense que vraiment, le sujet pour nous, c'est de réduire au maximum notre empreinte environnementale et donc l'impact qu'on peut avoir sur le milieu dans lequel on va travailler.

Je voulais simplement traduire les quelques mots de Martin avant qui disait que pour les Pays-Bas, l'impact au niveau de l'agriculture, il est mesuré. Et on encourage évidemment les agriculteurs, certes à prendre pour produire, mais à rendre également à l'environnement dans lequel ils s'inscrivent. Pour ce qui est des plateformes pétrolières, toute l'industrie pétrole, gaz, il y a des plateformes qui sont en train d'être démantelées et qui sont petit à petit transformées en récifs pour rétablir une biodiversité dans la mer du Nord. Et puis pour ce qui est du sud du pays, vous savez qu'il a connu d'immenses inondations en 1953 et qu'à partir de ce moment-là, les Pays-Bas ont développé une politique de défense contre l'eau et contre les inondations. Mais ça s'est fait au prix d'enfermer la terre et de la protéger par des systèmes de digues. Et aujourd'hui, ils se sont rendu compte qu'il était nécessaire de rouvrir ces digues et d'accueillir l'eau tout en essayant de la maîtriser, et de la maîtriser, par exemple, par la mise en place de turbines hydrauliques qui fonctionnent en fonction des courants et de rétablir les courants et les marées dans leurs zones inondables.

Là, il marche. Merci beaucoup pour cette table ronde. M. Peersman.

Moi, je voudrais me tourner vers mon collègue de chez Total et lui poser une question parce que j'ai moi-même travaillé chez Shell pendant de nombreuses années avant d'occuper le poste que j'occupe aujourd'hui. Je travaillais dans tout ce qui était la partie mines et exploration chez Shell, mais j'ai vu l'entreprise pour laquelle je travaillais démanteler près de 6 900 sites d'exploitation de gaz aux Pays-Bas, qui les a mis hors de service, qui s'est occupé de les fermer, de les boucher. À l'époque, on l'a fait avec en colmatant avec du ciment, puis l'entreprise est partie. Plusieurs années plus tard, des maisons ont été construites sur ces anciens sites d'exploitation du gaz. Les puits de gaz ont commencé à fuiter, il y a eu des fuites au niveau des logements, mais également des fuites qui sont allées dans l'aquifère et qui l'ont pollué. Donc la question que je pose, c'est la question du contrôle des démantèlements lorsque l'on quitte un site, qu'il s'agisse d'un site d'exploration gazier, pétrolier mais également minier. Et comment est-ce que les entreprises de ce secteur s'engagent non seulement à tirer parti de ces ressources, mais également à assurer leur démantèlement dans de bonnes conditions ?

OK. Il n'y a pas de doute sur le fait que les entreprises sont responsables de la restitution des sites. Et ce qu'on appelle le decommissioning, c'est-à-dire boucher les puits qui ont été exploités, que ce soit à terre ou en mer, c'est une responsabilité totale des opérateurs pétroliers. C'est un sujet dont on a pris la mesure par exemple aux Pays-Bas, puisque toute l'industrie a créé une plateforme collaborative dédiée à ce sujet, qui s'appelle Next Step, d'ailleurs, sous l'égide aussi de la compagnie nationale qui s'appelle EBN et du ministère des Affaires économiques. Boucher un puits, c'est s'assurer que ce puits ne laissera rien passer dans les décennies à venir. Donc ça veut dire trouver les bonnes technologies, trouver la bonne façon de le faire et monitorer ensuite les puits qui ont été bouchés. Donc c'est un sujet qui est un peu nouveau parce que... Il y a très peu de sites qui ont été décommissionnés puisqu'ils étaient en production jusqu'alors. Aux Pays-Bas, pour vous donner un ordre de grandeur, il y a à peu près 150 plateformes qui produisent en offshore. Il y en a peut-être 4 ou 5 qui étaient décommissionnés jusqu'alors. Mais entre 2025 et 2030, plus de la moitié de ces plateformes devront être abandonnées. Donc c'est un sujet que l'industrie prend sérieusement, avec l'aide des contracteurs, avec l'aide de la tutelle puisque tout ceci se fait dans un cadre régulatoire et réglementaire très bien défini. Donc il y a notamment l'inspectorat des mines qu'on appelle SODM aux Pays-Bas, qui est chargé de travailler avec l'industrie à faire en sorte que ce soit fait dans les meilleures conditions et qu'il n'y ait plus de risque de fuite après. Dans le passé, il a pu y avoir, sur certains puits abandonnés depuis un certain temps, un bouchage incomplet. Je connais un certain nombre de cas qui se sont produits, effectivement. Et le sujet aussi, c'est un sujet de partage d'informations. Parce que vous me corrigerez si je me trompe, mais dans un cas, le puits n'était pas vraiment référencé, il n'était pas vraiment visible sur le cadastre et il y a des constructions qui ont eu lieu pas très loin. Donc il y a aussi une responsabilité de la totalité de l'industrie de partager l'information sur les sites, sur ce qui a été fait avec les communautés, avec les municipalités.

On fait un changement express de micro. Merci à tous, à M. Plas. Un mot ?

Juste un mot sur les problématiques de reboucher. Un stockage, par définition, il faut le reboucher. Il est pensé pour ça. Ça fait longtemps qu'on travaille à comment reboucher un trou qu'on a fait dans un milieu géologique. On est tout à fait partisans pour échanger de l'information là-dessus puisque nous, on doit garantir que les puits que l'on fera ne seront pas des voies de retour, pour les radionucléides mais aussi pour pas mal de fluides, il y a de l'eau et du gaz. Donc la fermeture de ces ouvrages-là est un sujet auquel on s'est attelés depuis 20 voire 30 ans. On a un retour d'expérience, beaucoup d'expérimentation là-dessus, bien évidemment pas dans le

pétrolier très profond, mais c'est un sujet de prédictibilité puisque là, on est partis là aussi sur des échelles de temps du million d'années voire ad vitam æternam pour un réservoir. Et donc ça met en jeu, là aussi, de multiples disciplines dans le domaine des géosciences et c'est un vrai sujet. Absolument. Et comme je l'ai cité, le CO2, le CCS, ça sera aussi un des sujets, puisque le CO2 que l'on aura réinjecté dans le sous-sol, il faudra qu'il y reste.

Bien. Merci beaucoup à tous pour cette table ronde. Et je crois qu'on peut tous vous applaudir pour ces interventions très intéressantes. Je vais vous demander de rester un petit moment encore en place, puisque cette table ronde, comme la suivante, elle va se clôturer avec un grand témoin. Et ce grand témoin, c'est Bernard Cabaret, qui a été le président du BRGM durant la fin des années 90 et le début des années 2000, une période charnière s'il en est. Je vais inviter Bernard Cabaret à monter sur scène en direction du pupitre pour nous dire quelques mots comme grand témoin sur sa vision et sur la perspective historique que son regard nous amène, puisque le BRGM, on l'a dit, c'est 60 ans et c'est toute une évolution, toute une adaptation aux changements et aux enjeux sociétaux qui ont pu se succéder et se préciser. C'est aussi ce regard que Bernard Cabaret nous apporte. Bernard Cabaret.

C'est très étonnant pour moi de parler devant vous, car je n'étais pas prévenu de ce rôle qui m'incomberait, que ce rôle m'incomberait. Alors, plusieurs choses. D'abord, du BRGM. Le BRGM... c'est fluctuat nec mergitur, c'est-à-dire qu'il survit dans toutes les circonstances, quelle que soit l'évolution. Et il y a à ça plusieurs preuves. C'est d'abord qu'il a gardé son nom pendant toute cette période, alors que vous voyez les autres établissements, la plupart se sont donné des lettres supplémentaires ou quelques nouveaux... rôles qui font qu'ils ont changé. Nous, on ne change pas, c'est le BRGM. Et, certes, sa mission évolue, mais c'est toujours le BRGM. Les gens sont favorables à cette idée. Les gens connaissent le BRGM, quand même. Donc... Pour y parvenir, il faut avoir l'échine souple, si je puis dire, c'est-à-dire s'adapter à la demande. Parce qu'en définitive, le BRGM n'est utile que s'il fournit quelque chose à la collectivité. D'une part, la cartographie et toutes les bases techniques qui sont indispensables pour le travail, mais aussi pour satisfaire un certain nombre de considérations dont certaines sont politiques, il faut ne se faire aucune illusion. Et donc, en fonction des circonstances politiques, on voit que le BRGM a été amené à se doter de nouvelles spécialités ou à supprimer certaines spécialités, supprimer doucement. Et c'est là-dessus que je voudrais intervenir. Parce que le BRGM fonctionne dans un monde qui est au niveau du millier d'années, du plus que millier d'années, etc., et il est dans une politique qui change de manière assez rapide. D'ailleurs, quand on voit aussi le nombre de présidents du BRGM qui se sont succédé depuis un certain temps, on peut imaginer que c'est assez rapide. Alors, c'est un mélange un peu délicat, et je trouve qu'en définitive, on s'en tire bien parce qu'on arrive à continuer à travailler à long terme alors qu'il y a des évolutions dans tous les sens. Et donc le BRGM a bien vécu. Mais pour ça, je pense qu'il a respecté un certain nombre de règles qui sont essentielles. C'est d'avoir un nombre important de techniques différentes et d'être capable de regrouper des gens qui sont d'origines ou de savoirs assez différents pour trouver des solutions. Deuxièmement, les spécialités que vous touchez sont des spécialités qui sont relativement focalisées et qui n'ont pas à être mélangées avec la politique générale, avec un tas de choses comme ça. Et donc c'est très bien d'avoir une spécificité et de la tenir. Alors, à ce sujet, moi, je dirais que la tenir, c'est pas toujours facile parce qu'il y a des endroits où on peut être financé et avoir des capacités de développement, et puis il y a des endroits où, s'il n'y a pas de client, il n'y a pas de client, moyennant quoi on sent bien qu'au cours des dernières années, l'activité minière n'a pas eu la cote, si je puis dire, et l'activité minière ne permet pas de faire en particulier de la recherche. Alors ça, ça m'amène à un point que, personnellement, j'ai du mal à comprendre. C'est comment peut-on continuer à faire de la recherche minière en ne faisant pas d'exploitation minière ? C'est une spécificité de la France et ça m'étonne. Bon. Parce que... faire de la recherche minière hors sol, ça me paraît difficile. Alors, ceci étant dit, les seules choses qui ont été dites sont extrêmement importantes. Je vais bien me garder de les reprendre. Mais il y a plusieurs choses que je voudrais dire. D'abord, 1 : il faut faire de la veille sur toutes les technologies environnantes pour savoir si, par hasard, les outils qu'utilisent les autres et qu'on développe sont susceptibles d'être utilisés par nous. Parce que c'est plus facile d'avoir un travail déjà fait plutôt que de le faire soi-même. Deuxièmement, il faut les expérimenter, ces nouveaux produits et il faut garder tous ces savoirs. Alors ça, c'est encore une autre... Je mélange un peu parce que j'ai pas fait mon discours, moi. Garder son savoir, ça veut dire garder les gens, même quand, pendant un an ou deux, ou trois, ou peut-être plus, ils n'ont pas... objectivement un rôle précis. Parce que ça leur permet peut-être de ranger leurs crayons, mais ça leur permet aussi de réfléchir et de faire autre chose et, en particulier en matière de recherche minière, ça permet de garder les techniques et les savoir-faire. Parce que la recherche minière, c'est autant un travail de terrain qu'un travail de... Comment on disait ? Un de mes collègues au BRGM disait qu'il y avait des géologues de terrain et des géologues de console. Bon. Je n'irai pas plus loin sur ce sujet. Bon. Et j'ai en fait, donc, l'idée que vous faites bien, vous êtes en même temps souples, actifs et vous évoluez vite, donc tout va bien. Alors, maintenant, j'ai un petit supplément à ajouter, mais c'est une marotte de ma part. Ce sont les terres rares. Les terres rares sont un sujet particulièrement difficile et on a perdu, maladroitement, si je puis dire, notre savoir-faire, au fond. Et moi, ça me gêne énormément parce qu'aujourd'hui, il y a 30 % des terres rares ou quelque chose comme ça qui sont faites en Chine. Alors, c'est très polluant. C'est très polluant. Évidemment, c'est très difficile parce que, comme on est pour traiter la pollution, on est des deux côtés de la barrière. D'un côté, on propose des activités polluantes et ensuite, on dit : "Il faut dépolluer." Donc on donne l'impression de ne pas être objectif. En fait, il faut rester technique et ne pas se poser de question. Mais moi, je suis très, très triste pour la France de ne pas avoir gardé les savoir-faire qui étaient ceux de Rhône-Poulenc dans les temps anciens. Ils ont été vendus. Bon. Ceci étant dit, je suis pas là pour faire de la politique, donc je vous dis que ce... Moi, je voudrais qu'il y ait un anniversaire tous les ans, à la limite, et pas tous les 10 ans. Mais je vous remercie au nom de tous ceux qui sont ici

d'avoir organisé ce colloque qui est très intéressant. Je voudrais ajouter que nos amis étrangers, ou, si je puis dire, voisins, sont essentiels pour un établissement comme le nôtre parce que l'échange international ouvre les yeux sur d'autres approches, et c'est essentiel. Par exemple, l'affaire de l'aménagement du territoire, moi, je suis d'accord sur ce sujet. Je pense que dans votre pays, c'est essentiel. Nous, nous sommes dans un pays où il y a encore beaucoup d'arbres, beaucoup de prairies, etc., donc on est moins contraints dans l'utilisation du sol. Mais on y arrivera aussi, à ça, et on peut pas faire autrement. Et de même que vous avez cité un truc, là... Oui, l'aménagement du territoire. Moi, j'ai été dans l'aménagement du territoire, dans le passé. Je sais fort bien que ces sujets ne sont pas traités parce que c'est des sujets interdisciplinaires extrêmement complexes qu'on n'arrive pas à concentrer et à traiter logiquement. Bon. J'ai fini. Merci. Merci.

Merci à vous. Merci, Bernard Cabaret. Voilà. Je vous invite tous à une petite pause méritée avant de partir sur la prochaine table ronde à laquelle Bernard Cabaret a fait une introduction pour le moins avertie et judicieuse. On l'en remercie beaucoup. Une petite pause de 20 minutes et on reprend. Merci à vous.

Sécuriser l’approvisionnement en ressources minérales stratégiques

La 2e table ronde portant sur la sécurisation de l’approvisionnement en ressources minérales stratégiques a mis en évidence la nécessité d’une économie plus circulaire. 

Une table ronde axée sur le recyclage, la criticité, les métaux stratégiques et la notion de mine responsable. 

© BRGM 

Colloque "Enjeux du sous-sol au 21e siècle" – Clôture

À l’occasion de ses 60 ans, le BRGM organise un colloque scientifique sur le thème "Les enjeux du sous-sol au 21e siècle". Clôture du colloque 

La création du BRGM est le fruit de deux siècles d’aventures géologiques et d’évolutions administratives. Depuis 1959, il est devenu l’un des organismes de référence dans les domaines des géosciences et des questions environnementales. Son défi est aujourd’hui de proposer des réponses concrètes pour faire face aux enjeux du sous-sol du 21e siècle. 

© BRGM 

Alors vous vous dites tous : "Est-ce que c'est bientôt fini ?" Eh bien non. Il y a encore des conclusions qui sont une restitution des principaux enseignements et idées qui ont été portés par ces deux tables rondes. Je vais vous faire encore patienter avant cette clôture du colloque scientifique. On va commencer avec François Robida qui va porter une synthèse de ce qui s'est exprimé lors de la première table ronde. Et François Robida est directeur du programme ayant trait à ce sujet chez nous. Le programme s'appelle « Gestion du cycle des données géoscientifiques et environnementales ». Et donc François... On va le laisser boire une goutte, parce qu'effectivement avant de s'exprimer, c'est toujours une bonne chose. C'est parti pour une synthèse courte, mais une synthèse fructueuse sur les idées exprimées lors de la première table ronde.

Oui, c'est un sacré challenge. J'ai le droit de boire, vous, pas encore. Je vais essayer de tirer quelques éléments de cette table ronde, qui a été riche, à mon avis, en essayant d'illustrer suivant différents axes : l'axe des usages, l'axe des dimensions spatiales et temporelles. Des éléments sur les technologies, la dimension partenariale et puis la dimension réglementaire. Alors sur le premier axe, les usages, la prédictivité, puisque c'était effectivement le titre de cette table ronde, la prédictivité, on la retrouve partout. C'est pas un concept complètement nouveau. Mais c'est quelque chose qui effectivement, au-delà de l'aspect descriptif de nos sciences de la Terre, exige des réponses. Et on l'a vu dans cette 2e table ronde sur les ressources minérales, on l'a vu sur les stockages de déchets radioactifs, sur le comportement de stockage de CO2, sur des ressources pétrolières, sur le comportement et la liaison entre le sous-sol de la ville et la ville, sur les ressources en eau, etc. Donc tout un tas de sujets sur lesquels on peut élaborer des scénarios, poser des questions et voir quelle peut être la réponse. Dimension spatiale et dimension de la durée. Il a été dit, effectivement, ça a été évoqué plusieurs fois, par l'introduction d'Elisabeth Vergès, sur l'aspect durabilité, le temps long, le temps géologique, est-ce que la géologie est la science du temps ? Et finalement, la notion de données est quelque chose... Il n'y a pas de science sans données et la nouvelle science à partir des données et à partir des outils pour exploiter les données, c'est certainement quelque chose d'important. Ça suppose qu'on soit capable de tamponner la donnée à partir de la connaissance scientifique qui a permis de l'élaborer, du contexte scientifique qui a permis de la produire. Si on veut des choses sur la durée, il va falloir être capable aussi d'associer et de formaliser ce degré de connaissance en l'associant à la donnée. C'est quelque chose d'important. Il y a des travaux et des évolutions scientifiques, techniques à pousser. C'est aussi pouvoir réexploiter des données et des gisements de données anciens. On n'a pas parlé de tous les rapports de littérature grise, etc. On a des gisements de données sur les ressources minérales en Afrique, sur tout un tas de choses qui, pour l'instant, sont dans des documents papier, numérisés. Mais savoir les réexploiter avec la possibilité de les utiliser dans un contexte de l'intelligence artificielle ou de Big Data est quelque chose d'important sur la réexploitation dans la durée de nos mémoires et de nos connaissances scientifiques. Et c'est aussi garder la mémoire des travaux d'exploitation : exploitation pétrolière, on en a parlé, des anciennes mines et des impacts qu'il peut y avoir, des carrières qui sont sous les villes, etc. Et ça, c'est une nécessité de mieux garantir cette conservation de la connaissance sur le long temps. Dimension spatiale, dimension temporelle. La dimension de la ville a été évoquée. Et aujourd'hui, il est frappant de voir que les Smart cities ou les concepts de ville durable ou soutenable, pour utiliser ce terme un peu difficile, se font en ignorant totalement le sous-sol. On essaie de comprendre le métabolisme d'une ville, mais en ignorant ce qu'il y a en-dessous. Sans doute, et ça a été dit, parce que c'est pas simple, c'est pas visible, c'est plus complexe à appréhender et du coup, on fait l'impasse complète et on peut se questionner des résultats qu'on obtient des modélisations de ces métabolismes urbains. Ça veut dire aussi qu'il va falloir qu'on arrive à mieux intégrer l'ensemble de nos connaissances de façon un peu holistique avec cette connaissance urbaine. Il y a des aspects très techniques, de voir comment le monde du BIM, ça a été évoqué pour décrire tout ce qui est construit... C'est des approches radicalement différentes. Quand on construit une pièce ou un bâtiment, c'est pas pareil que d'essayer de comprendre le sous-sol. Les démarches sont différentes et les langages sont différents, Il faut les associer. Il y a un projet qui n'a pas été noté, mentionné, qui s'appelle MINnD qui vise à faire ça : à associer ces démarches pour pouvoir plugger et pour pouvoir véritablement brancher l'ensemble de ces connaissances dans des systèmes, dans des jumeaux numériques qu'on va pouvoir faire fonctionner. L'aspect des technologies, ce n'était pas le cœur du sujet. Il a quand même été abordé et nos « outils traditionnels » de modélisation prédictive, avec les difficultés de couplage, mais de plus en plus, et les moyens numériques et la puissance de calcul, permettent d'aller plus loin. Le concept de jumeau numérique, Bernard Tardieu, nous l'a rappelé, ça n'est pas quelque chose de révolutionnaire, de complètement nouveau. Et effectivement, ce qui a été décrit sur les barrages et les mines de systèmes qui sont capables de faire ce que l'on appellerait aujourd'hui du deep learning, de l'apprentissage, on appelle ça des techniques d'intelligence artificielle, étaient des choses qui étaient présentes dans l'outillage. Mais c'est aussi une approche qui est... Qui permet de mieux comprendre et de faire apparaître des phénomènes que l'on ne voit pas et qui ne sont visibles et modélisables au premier abord. Dans l'exemple des Pays-Bas, cet aspect de jumeau numérique qui était décrit comme une façon de représenter, pour chaque commune, une obligation même pour chaque commune, d'avoir son sous-sol représenté. C'est sans doute un terme plus sexy le digital twin, ou le jumeau numérique, que de parler de cadastre 3D. Ce qui pourrait être un peu une analogie entre ce que fait l'IGN et ce qu'il serait question de faire en 3 dimensions, et donc peut être « plus vendeur » aujourd'hui. L'aspect technologique des moyens de calcul, le HPC, ça a été évoqué effectivement, et les pétroliers notamment, avec leur capacité de mobiliser des ressources pour se payer ce genre d'équipement. Mais je crois que là on est dans une évolution où même les pétroliers considèrent que l'accès à ce type de ressources pourra se faire par le Cloud, par des moyens mutualisés. Et donc la question sera de savoir comment on donne accès à des scientifiques, de quelque nature d'où ils viennent, à ce type de ressources ? Ça n'est plus véritablement quelque chose qui devrait être bloquant. Ce qu'il faut arriver à organiser, c'est la mise à disposition de tout ça. La dimension partenariale a paru importante. Partenariat entre la recherche fondamentale appliquée et l'application. Là aussi, l'exemple du monde géotechnique et la nécessité d'avoir une recherche qui adresse les vrais questionnements scientifiques et techniques pour répondre aux problèmes du barrage de Malpasset ou des choses comme ça. Et je pense... Il est clair que les services géologiques, le BRGM en particulier, est en position finalement de passeur entre de la recherche plus fondamentale et puis des usages plus industriels ou plus pour les décideurs publics. Donc ça, c'est une dimension également importante. Ce qui a été évoqué, c'est les partenariats à l'échelle, au-delà de l'échelle nationale. Les partenariats à l'échelle européenne, ça a été dit plusieurs fois avec un certain scepticisme pour certains types de partenariats, sur la mine, par exemple. Mais en ce qui concerne les infrastructures de recherche, et POS a été évoqué, c'est véritablement le candidat infrastructure, c'est plus que le candidat, c'est l'infrastructure qui se bâtit pour être le recueil des données sur les sciences de la Terre à l'échelle européenne entre l'ensemble des acteurs. Et là, le BRGM, il prend un rôle très actif. Les dimensions réglementaires. Alors les deux Napoléon sont passés. On a vu qu'ils ont eu un impact fort. Notre BSS, finalement, est le fruit de décisions de l'époque de Napoléon. On a vu avec l'exemple hollandais qu'une réglementation forte permet effectivement de fédérer et de mieux structurer les choses, et in fine d'avoir un meilleur usage de l'argent public en étant capable de réutiliser des données qui ont déjà été produites, mais qui, dans notre système, sont en général complètement oubliées et ignorées. Et si Napoléon était là, probablement qu'il aurait inventé le e-gouvernement. Et donc c'est une façon aussi de replacer nos problématiques et notre capacité à fournir de la connaissance pour la décision publique et pour le bien public. Le rôle, dans les plateformes des gros acteurs, a été évoqué, par exemple, dans le monde pétrolier avec la référence à Google. Et là, on peut se poser la question, effectivement de la place des GAFAM sur le genre de données que l'on à gérer. Aujourd'hui, effectivement, ils ne sont pas très visibles, mais pour en avoir discuté avec certains d'entre eux, ils sont demandeurs, une fois que les données seront plus facilement accessibles, pour mettre la main là-dessus, avec la question : Est-ce que c'est un bien public qui doit être partagé et qui peut être contrôlé par les GAFAM ? C'est une autre question. Pour terminer : Pourquoi et comment, in fine, mettre en œuvre nos outils, nos données, nos savoirs ? Savoir s'adapter à la demande et à l'évolution de la demande. C'est peut-être une évidence, mais pas forcément si facile au jour le jour. Le rappel que tout ce qu'on peut sortir de nos outils, de nos méthodes, le savoir, le bon sens du géologue, pas de chez soi, est quelque chose qu'il ne faut pas oublier. Dans la même dimension, sur l'intelligence artificielle, on est engagé sur des recherches autour, sur l'explicabilité. On ne peut pas prendre le résultat d'une intelligence artificielle. Dans nos domaines, on a besoin de comprendre comment l'algorithme est arrivé à nous proposer une solution. Et enfin prédictivité, c'est une chose, mais John Ludden nous a parlé de l'aspect curatif au-delà du prédictif, le curatif. Donc avec le couplage sur le climat et des choses beaucoup plus globales. Voilà.

Merci, François, pour cette synthèse. Et sur la seconde table ronde, Patrick d'Hugues, également en charge d'un programme en rapport avec les ressources minérales et l'économie circulaire, va faire le bilan de la table ronde qui s'est déroulée il y a quelques minutes.

Donc, bonjour. Bonsoir, je crois. Donc effectivement, on nous a confié une espèce de challenge un peu compliqué, c'est-à-dire de rattraper 45 minutes en 5 minutes pour résumer 2 heures de conférence, donc on va essayer. On nous a aussi demandé de faire vite parce que, visiblement, tout le monde a envie de se retrouver autour d'un pot. Je ne compte plus les textos de mes collègues. Donc je vais prendre un malin plaisir à faire durer. Je m'excuse auprès des panélistes, mais ce n'est pas ma faute, c'est la pression de la foule, il va falloir faire court. Bon. La dépendance aux ressources minérales, c'est une dépendance d'abord aux objets qui en contiennent et aux chaînes de valeur. La notion de chaînes de valeur a été extrêmement abordée. Mais c'est extrêmement important de le souligner. Certaines sont extrêmement complexes et porteuses d'incertitudes qui arrivent dès l'approvisionnement, notamment avec la problématique des sous-produits, très bien décrite par Monsieur Pollack, et qui est extrêmement importante dans ce domaine. Alors aujourd'hui, et ça ne surprendra personne, la transition écologique et numérique sera très consommatrice en métaux. Et donc la question des métaux stratégiques est critique. Elle doit s'appréhender sur l'ensemble du cycle de vie, et elle doit intégrer ressources primaires, secondaires, et celles issues du recyclage. Il faut travailler sur la chaîne de valeur des objets, et il faut bien évidemment insister sur le fait que la perception vis-à-vis des métaux et de leur criticité, elle sera fortement impactée par le rôle tenu par les différents acteurs et leur positionnement dans le cycle de vie. C'est ce qui a été bien décrit par Pierre et Mme de Margerie. Effectivement, selon le positionnement, selon l'acteur, et selon son positionnement dans le cycle de vie, la perception sera différente. Ces acteurs, c'est lesquels ? C'est les pouvoirs publics, les industriels, les scientifiques. Je crois qu'on a insisté sur un nouvel acteur, en tous cas, pour la plupart d'entre nous, c'est le citoyen. La question d'acceptabilité sociale est une question clé pour les questions d'approvisionnement, qu'elles soient primaires ou secondaires. C'est un point commun entre ces deux approches. Plusieurs formes d'approvisionnement et des contraintes associées. La source principale, c'est, et ça restera, l'activité minière et métallurgique. Il faut assurer la découverte de nouveaux gisements. Il faut sécuriser les filières de production, il faut qu'elles soient durables et responsables. Et pour ça, il faut le faire sincèrement : il faut mettre des actions derrière ces mots, qui sont parfois un petit peu dénués de sens. Il faut bien évidemment observer et anticiper l'évolution des chaînes de valeur et des marchés, qui sont porteuses de nombreuses incertitudes. Ça a été très bien présenté par M. Chalmin. Donc voilà. Il y a une question, et je ne vais pas l'aborder car je n'ai pas la réponse, mais si cette activité extractive n'est pas faite sur notre territoire, et c'est le cas, il faudra accompagner et assumer sans doute les transferts d'impacts associés à nos modes de vie. Et même souvent, les transferts d'activités industrielles, qui dépassent l'activité minière et qui remontent les chaînes de valeur. Et c'est très bien connu. Pas d'activité minière... Je ne vais pas rentrer dans le débat de la mine et de savoir si c'est une activité qui amène le bonheur ou pas. Je laisserai chacun se positionner là-dessus. Donc ne pas produire en France est évidemment une question politique, mais c'est aussi, et ça le deviendra davantage, une question éthique. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Mandil, et je reste, comme lui, très positif sur l'avenir, notamment par rapport à l'activité minière. Il existe évidemment des sources secondaires dont le traitement n'a souvent pas vocation à assurer un approvisionnement en métaux, mais d'abord d'assurer la protection de l'environnement, il ne faut pas l'oublier. Et j'ai bientôt fini. En vous parlant...

C'est ce qu'on appelle une chute, dans un discours.

Je vais peut-être en rajouter. J'y prends goût. Les sources secondaires, évidemment, c'est la valorisation des déchets miniers métallurgiques et industriels, sur laquelle le BRGM est très impliqué. C'est un potentiel à caractériser, éventuellement, à exploiter. C'est un besoin d'innovation et de réglementation adaptée. Il y a le recyclage. Je ne vais pas y revenir. Il y a beaucoup de besoins et de limites associées au recyclage. Le recyclage est une activité industrielle comme les autres, elle a ses impacts, et il faut l'intégrer dans l'analyse que l'on va faire en comparaison notamment avec la mine. Donc finalement, comment sécuriser les approvisionnements pour assurer un stock de métaux matériaux stratégique en Europe ? C'était une des questions principales et vous avez 30 secondes. Je crois que c'est assez simple. En fait, il suffit d'appliquer les recommandations des différents rapports, excellents rapports qui ont été publiés ces dernières années. Il y a celui de l'ADEME sur la R&D et sur les métaux stratégiques, il y a le rapport de l'Académie des technologies, il y a le rapport du CESER, il y a les recommandations du COMEX, et il y a, enfin, le récent rapport du CGE sur la vulnérabilité. Je ne vais pas les détailler. Il suffit de lire ces rapports et je crois que toutes les actions et toutes les recommandations sont à l'intérieur. Je crois qu'il suffit maintenant de les appliquer. Voilà. À leur lecture, je me suis laissé dire que le BRGM pouvait y jouer un rôle et notamment pour les 60 prochaines années. Je vous remercie.

Merci, Patrick. Merci. Les conclusions sont faites. Il reste un dernier moment dont la présidente va avoir... Qu'elle va avoir l'honneur de faire, c'est celui de la clôture, et en même temps de l'ouverture vers le cocktail dînatoire.

Donc à l'issue de cet après-midi, nous sommes tous convaincus que les enjeux du sous-sol au XXIe siècle sont particulièrement nombreux. C'est une chance pour le BRGM, car s'il arrive à être aussi agile à l'avenir qu'il l'a été dans le passé, il sera encore là dans 10 ans, 20 ans ou 30 ans. Alors, j'ai confiance. Sur ces propos optimistes, je voudrais remercier tous les anciens du BRGM, quelle qu'ait été leur place dans l'établissement, de nous avoir permis d'être là ce soir. Souhaiter à nous-mêmes et à nos successeurs de faire la même chose. Et je vous remercie pour votre présence. Je vous remercie pour votre attention soutenue, et je souhaite un excellent anniversaire au BRGM. Merci beaucoup.

Merci, madame Rousseau. Je vous invite tous à rejoindre maintenant le cocktail dînatoire, à part les anciens présidents et directeurs généraux, qui vont avoir l'honneur de faire une photo de famille avant d'aller au cocktail.