Le projet LESELAM vise à comprendre l’érosion des sols à Mayotte et à sensibiliser les populations pour limiter les pertes de sols, en milieu urbain comme en zone agricole.
24 mars 2021

L'érosion des sols à Mayotte résulte de l'impact des fortes pluies tropicales sur des sols peu ou pas protégés. 

La forte pression anthropique tend à accélérer le phénomène d'érosion : extension plus ou moins contrôlée de l'urbanisation, déforestation, transformation de l’agriculture d’un mode extensif (le jardin mahorais) vers une monoculture laissant les sols sans protection, etc. 

Cette érosion très active en saison des pluies constitue une menace forte sur le lagon de Mayotte, l’un des plus beaux lagons du monde. 

Le projet LESELAM est né pour mieux comprendre, prévenir et remédier à ces problèmes d'érosion des sols à Mayotte. 

Lutte contre l'érosion des sols et l'envasement du lagon à Mayotte

Le lagon de Mayotte est l'un des lagons les plus remarquables de la planète. Mais cette biodiversité est menacée par l'envasement dû à l'arrivée de terres venant de zones naturelles, agricoles et urbaines de Mayotte. Le projet LESELAM s'inscrit pleinement dans la feuille de route Erosion à Mayotte.

© LESELAM

Le lagon de Mayotte est classé parc naturel marin depuis 2010. Sa biodiversité exceptionnelle en fait l'un des lagons les plus remarquables de la planète. Mais cette biodiversité est menacée par l'envasement dû à l'arrivée de terre venant de zones naturelles, agricoles et urbaines de Mayotte. Si Mayotte a connu de grands changements durant son histoire, notamment agricole, avec une modification profonde des cultures, notamment liée aux grandes cultures d'ylang-ylang ou de canne à sucre, elle connaît depuis les années 90 de grands changements également liés à sa démographie exceptionnelle. Et celle-ci impacte des milieux naturellement fragiles. Cette fragilité est liée en particulier à la morphologie de l'île avec des surfaces pentues dominantes, un climat tropical avec des pluies très intenses et un sol très fragile et érodible. En 2012, la DEAL de Mayotte a mis en place une feuille de route érosion pour travailler et essayer d'endiguer la problématique de l'érosion et de l'envasement du lagon. Le projet LESELAM, de lutte contre l'érosion des sols et l'envasement du lagon, s'inscrit dans cette feuille de route, puisqu'il a pour objectif d'une part d'évaluer un petit peu tous les flux sédimentaires qui émanent du bassin versant de Mayotte, mais aussi d'essayer d'accompagner les particuliers, les professionnels dans la mise en place de meilleures pratiques pour endiguer ce problème. Ce projet LESELAM est complémentaire avec les projets ENVALAG et SEDILAG, qui, eux, sont pilotés par le centre universitaire et le parc naturel marin de Mayotte. Et ils ont tous pour objectif, finalement, d'apporter des connaissances et de permettre de produire des supports qui freineront, on l'espère en tout cas, à moyen ou long terme... ce phénomène d'envasement du lagon. Afin de comprendre comment l'érosion se produit à Mayotte, un observatoire a été mis en place fin 2015 dans le cadre de la 1re phase du projet LESELAM. Pour être représentatif des différents environnements présents sur l'île, 3 différentes zones ont été sélectionnées. La 1re, sur la colline de Mtsamboro, fait 17 ha. Elle représente les environnements côtiers très pentus et fortement urbanisés. À Mtsamboro, les eaux de ruissellement se concentrent dans la ravine principale et arrivent sur la plage en face des îles Choazil. La 2de zone est celle de Dzoumogné. Elle est située au-dessus du réservoir d'eau potable, sur le cours d'eau de Mro Oua Bandrani. Elle mesure 343 ha et elle est représentative des environnements qui possèdent une partie agricole et une partie naturelle avec de la forêt. Il y a également la présence de quelques padzas. Enfin, la 3e zone, de Salim Bé, est située plus dans le sud. Et elle permet d'intégrer les 3 composantes à la fois : la composante naturelle, agricole et urbaine. Sur le site de Salim Bé, le cours d'eau qui passe ici, l'instrumentation mise en place ici a permis de mesurer la hauteur d'eau, qui est ensuite associée au débit. On mesure également la turbidité de l'eau, qui est le taux de matières en suspension dans l'eau. On a également plusieurs pluviomètres installés sur le bassin versant, une partie en amont et une partie en aval, qui permettent de connaître les précipitations sur la zone. Une pluie de 15 à 20 mm d'eau va entraîner un ruissellement de l'eau sur les pentes, qui va se concentrer dans le réseau hydrographique jusqu'aux ravines. Cette eau chargée en sédiments va se colorer en rouge-orange, couleur caractéristique sur Mayotte, qu'on va voir s'écouler jusqu'au lagon. Lorsque le niveau de l'eau augmente, on a des préleveurs automatiques qui vont récupérer des échantillons d'eau lorsque la rivière est en crue, qu'on analysera ensuite pour connaître le taux de matière en suspension présent dans l'eau, qu'on pourra ensuite associer à la turbidité qui est mesurée ici in situ. Donc, on dispose depuis fin 2015 de données sur l'érosion, sur la pluviométrie et le ruissellement sur 3 bassins versants, celui de Salim Bé, à Mtsamboro et à Dzoumogné, qui nous permettent d'avoir des données très intéressantes sur l'érosion du littoral, surtout en milieu tropical. Sur le bassin de Mtsamboro, on est passé d'un taux d'érosion moyen d'une tonne par hectare et par an en 2016 à plus de 16 tonnes lors de l'année dernière année. La principale cause identifiée est l'apparition de chantiers d'auto-construction en zone périurbaine. Le bassin de Dzoumogné présente un niveau d'érosion largement plus faible que celui de Mtsamboro du fait d'une occupation du sol dominée par des espaces naturelles et agricoles, mais aussi à cause de pentes modérées. Cependant, on constate une nette évolution entre 2016 et 2020. L'érosion était quasiment nulle lors des deux 1res années de suivi et atteint à l'heure actuelle entre 0,5 et 1 tonne par hectare et par an. Le traditionnel jardin mahorais, qui assure une couverture quasi totale des sols, recule au profit de champs de manioc ou de bananes sarclées sur des pentes moyennes à fortes. Enfin, le bassin versant de Salim Bé montre des niveaux d'érosion moyens entre 1,5 et 4 tonnes par hectare et par an du fait de caractéristiques intermédiaires entre Mtsamboro et Dzoumogné. L'ensemble des données et des connaissances acquises par l'observatoire LESELAM a permis de calibrer sur les 3 bassins versants suivis le modèle d'érosion au Watershed. Ce modèle a ensuite été appliqué à l'ensemble des bassins de Mayotte afin de produire une cartographie des exports sédimentaires au lagon de l'ensemble des bassins versants de l'île. L'intérêt de cette cartographie est de hiérarchiser les bassins versants en termes de contribution au lagon, d'identifier les bassins les plus érosifs et ainsi prioriser le déploiement de mesures de lutte contre l'érosion, que ce soit en milieu urbain ou en zone agricole. Dans le cadre de l'observatoire de LESELAM, nous avons mis en place des talus témoins pour mesurer l'érosion depuis la phase chantier jusqu'en phase définitive. Et nous avons mesuré une réduction de 300 tonnes à l'hectare à 110 tonnes à l'hectare la 1re année et de 50 tonnes à l'hectare à 10 tonnes à l'hectare les années suivantes, lorsque des mesures de conservation, de végétalisation étaient mises en place. Nous avons pu aussi diagnostiquer différents chantiers qui ont eu lieu sur l'île, où nous avons mis en évidence les manques de stabilisation de talus, mais aussi le manque de prise en compte de lutte contre l'érosion, que ce soit en phase de conception ou de réalisation des chantiers. Toutes ces mesures ont permis de créer un guide de bonnes pratiques urbain. Ce guide de bonnes pratiques propose des mesures simples et adaptées au contexte mahorais au travers de 10 fiches techniques qui reprennent principalement la végétalisation, la protection des chantiers, les recommandations sur les phasages et le contrôle pour une bonne réalisation des chantiers à Mayotte. Avec les partenaires, on a mis en place un dispositif Wishmeier qui se compose en 2 compartiments. Un compartiment témoin, un compartiment amélioré, c'est-à-dire que, sur le témoin, on a laissé en place des cultures avec des pratiques telles que ça se fait un peu dans les exploitations. Sur le compartiment amélioré, on a mis en place des pratiques, essentiellement des haies vives d'ananas ou du paillage, avec des plantes de couverture. On a fait justement le suivi pour voir, pendant les saisons pluvieuses, ce qui sortait comme érosion. Sur les 2 dernières saisons des pluies, sur les parcelles où on met les pratiques on va dire traditionnelles, c'est-à-dire que... Enfin, ce qu'on voit un peu dans toutes les exploitations, des cultures avec un peu plus de monocultures de manioc ou de banane. On se retrouve avec 30 à 40 tonnes à l'hectare de sédiments. Alors que, sur des parcelles avec des haies vives d'ananas ou du paillage, on se retrouve à moins d'une tonne à l'hectare. Donc, ça montre que ces pratiques sont assez efficaces. Avant, les gens faisaient un jardin mahorais, iIs plantaient beaucoup de cultures dans une même parcelle, qui permettent de retenir le sol. Et actuellement, ils font de la monoculture et ils plantent une seule culture dans une parcelle, ce qui fait beaucoup d'érosion sur les parcelles. Actuellement, les gens cultivent n'importe où, même sur les pentes. Ça aussi, ça entraîne beaucoup d'érosion. L'auto-construction consiste à construire soi-même son logement. On est à la fois le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage. Il n'y a pas de lois qui encadrent l'auto-construction. Néanmoins, il est important de respecter le code de l'urbanisme et de l'habitat et de veiller à faire les démarches nécessaires. Pour lutter contre l'érosion dans un projet d'auto-construction, on peut, par exemple, éviter de terrasser durant la saison des pluies, de penser à protéger le tas de terre avec des bâches et limiter l'exposition de ce tas de terre aux intempéries. Il est fort conseillé de penser à mettre en place un système d'évacuation et de collecte d'eau de ruissellement provenant de la parcelle ou de la toiture. Les ravines et les cours d'eau jouent un rôle très important sur l'érosion. Elles apportent les sédiments dans le lagon. Il ne faut surtout pas construire sa maison au bord de la ravine et laisser la couverture végétale protéger ces zones. Un guide de bonnes pratiques a été rédigé pour pouvoir vous apporter beaucoup d'informations et protéger ces zones-là. Afin d'aborder le terme de l'érosion avec les élèves mahorais, des ressources pédagogiques ont été mises en place à destination des professeurs disponibles sur le site de l'académie. C'est aussi un moyen de travailler sur les outils numériques avec des données locales. Les données obtenues dans le cadre de ce projet pédagogique sont le fruit d'une collaboration riche entre le BRGM, notamment les membres du BRGM qui ont participé au LESELAM, et la communauté éducative de l'île. Cet échange entre monde de la recherche et monde de l'éducation a permis de vulgariser, de didactiser l'ensemble de ces données. Les élèves peuvent ainsi utiliser des données numériques et ancrées dans leur environnement local. Ceci permet d'aborder un des thèmes en classe de seconde, qui est l'érosion et les activités humaines. Les élèves ne font pas forcément le lien avec la notion d'érosion. Et c'est ensuite aux enseignants de les amener à se questionner sur comment expliquer cette forte érosion à Mayotte et quelles en sont les conséquences. Nos élèves sont observateurs de l'érosion, mais ont beaucoup de mal à comprendre les causes et les conséquences de l'érosion qu'ils voient. Et l'une des grandes difficultés est de se projeter vers le futur et de voir les conséquences indirectes à moyen ou long terme de l'érosion sur l'île de Mayotte, que ce soit sur les ressources vivrières ou les ressources liées à l'agriculture. Et, par exemple, avoir des données quantitatives permet de mieux comprendre ces phénomènes très importants pour l'île de Mayotte. Il est nécessaire que les élèves et les générations futures prennent conscience de cette problématique afin de changer les pratiques pour préserver notre île. Le suivi ruissellement et érosion de l'observatoire LESELAM va se poursuivre au cours des 3 prochaines saisons des pluies, dans le cadre de la phase 3 du projet LESELAM. Les techniques conservatoires testées lors de LESELAM 2 vont être déployées à l'échelle de sites de plus grande ampleur, comme le site périurbain de Doujani ou le site agricole de Mro Mouhou. L'objectif est que les populations, qu'il s'agisse d'écoliers, de lycéens, comme au lycée agricole de Coconi, des agriculteurs, des villageois, des techniciens communaux, puissent s'approprier ces bonnes pratiques afin que l'érosion ne soit plus une fatalité pour l'île de Mayotte. Et donc, d'arriver à limiter au maximum le risque d'envasement du lagon.

LESELAM : à Mayotte, construire sa maison en protégeant les sols

À Mayotte, de très nombreuses maisons individuelles sont construites sur des parcelles en pente, parfois en dehors des zones constructibles. Les travaux de terrassement et de construction génèrent souvent une forte érosion des sols.

Des solutions existent pourtant pour maitriser l’érosion sur les chantiers. Elles nous sont présentées par Baptiste Vignerot (BRGM), dans le cadre du projet LESELAM, qui vise à comprendre l’érosion des sols à Mayotte et à sensibiliser les populations pour limiter les pertes de sols, en milieu urbain comme en zone agricole.

© BRGM

À Mayotte, pendant la saison humide, les épisodes pluvieux peuvent être très intenses. En tombant sur les sols que l'homme a laissés à nu, en ville comme en zone agricole, les gouttes de pluie détachent de fines particules de terre qui sont emportées. L'eau ruisselle ensuite sur des pentes relativement fortes, où elle se concentre pour créer des rigoles et des ravines transportant d'importantes quantités de sédiments dans les rivières et jusqu'à la mer. Cette eau de ruissellement peut contenir jusqu'à 20 kg de terre par mètre cube. Et les écoulements que l'on observe sont parfois de véritables coulées de boue. Tous ces sédiments terminent leur course dans l'un des plus beaux lagons du monde, qui s'envase inexorablement. À Mstamboro, dans le nord de l'île, Mavouna Abdou Ali est chargé de l'entretien d'un dispositif scientifique de suivi de l'érosion. Après chaque pluie, il mesure la quantité de terre qui s'est accumulée dans un piège à sédiments. Et il nettoie les appareils de mesure. Cette année, il y a plus de chantiers. Et on a eu énormément de terre qui descendait. Ça, c'est juste la pluie de la nuit dernière. Dès qu'il y a de la pluie, il y a plusieurs tonnes qui descendent. Les scientifiques du projet LESELAM estiment que le phénomène d'érosion apporte près de 20 000 tonnes de terre au lagon chaque année. On vient d'arriver. Mavouna nous amenés sur un chantier typique de la construction et de l'auto-construction mahoraises. Une maison qui fait environ 50 m2 et qui est construite sur des pentes assez fortes, 20 à 30 degrés. Suivez-moi, je vais vous montrer tous les problèmes qu'on a pu identifier. Le 1er point, c'est le sentier d'accès. On voit des grosses figures d'érosion après seulement 6 mois de travaux. On a des rigoles, du ravinement sur une dizaine de centimètres de profondeur. Le 2e point, c'est le terrassement. Pour poser une maison à plat, il a fallu décaisser à l'arrière de la maison et évacuer toute cette terre. Donc, toute la terre qui a été enlevée pour cette maison, plutôt que de l'évacuer, elle a été déposée dans la pente. Donc, sur une épaisseur importante, à peu près 1 m. Toute cette terre qui a été déposée sur 1 m d'épaisseur, elle ne tient pas en place, dès qu'il pleut, ça ravine complètement. Pour limiter l'érosion sur les chantiers en auto-construction, il y a 3 bonnes pratiques à respecter lors de la conception de l'habitation. Tout d'abord, il ne faut pas créer de remblai à l'aval de l'habitation avec les matériaux décaissés à l'amont lors du terrassement. Si tous les matériaux ne sont pas réutilisés, il faudra les évacuer par camion vers un site de stockage. La 2e bonne pratique consiste à stabiliser le talus à l'amont de la maison. Pour ça, on peut reprofiler le talus en lui donnant une pente plus faible. On peut aussi créer un mur de soutènement ou utiliser de la végétation adaptée. Enfin, il faut absolument créer un système de collecte et d'évacuation des eaux de ruissellement provenant de la parcelle et de la toiture afin d'éviter le ravinement au sol. On peut aussi limiter l'érosion par une bonne gestion des travaux pendant la durée du chantier. Évidemment, on ne terrasse pas pendant la saison des pluies. Sinon, une grande partie de la terre mobilisée sera emportée au lagon à chaque averse. Il faut aussi essayer d'aller vite et de limiter au maximum la durée pendant laquelle les talus et les tas de terre restent exposés aux intempéries entre la phase de terrassement et la construction de l'habitation. Et on essaiera de protéger les tas de terre qui sont gardés sur le chantier. Pour ça, on peut utiliser un paillage végétal ou des barrières, qui vont limiter l'emport des matériaux. Enfin, il faut aménager le chemin d'accès au chantier par des matériaux grossiers, des cailloux, des gravats, afin que la boue issue du chantier ne se propage pas sur la route et dans les réseaux d'eau pluviale. Chaque année, près de 3 500 nouvelles maisons sortent de terre à Mayotte. Elles sont de plus en plus nombreuses à être implantées en dehors des zones constructibles, souvent sur des terrains en forte pente, où la construction nécessite d'importants travaux de terrassement. D'ici 2035, Mayotte aura besoin de 44 000 nouveaux logements selon les projections de population de l'INSEE. Si les pratiques de construction ne changent pas, c'est plus de 300 000 tonnes de sédiments qui seront envoyées au lagon et 450 hectares de terres agricoles qui disparaîtront. Habitants, élus, entrepreneurs du bâtiment et services de l'État, il est de notre responsabilité à tous d'agir à notre niveau pour préserver et transmettre à nos enfants le formidable patrimoine naturel de Mayotte.

LESELAM : quelle agriculture à Mayotte en 2035 ?

A Mayotte, l’agriculture évolue très rapidement, induisant souvent une détérioration des ressources naturelles et en particulier un risque d’érosion des sols. 

Pour tenter de prévoir l’évolution de ce phénomène d’érosion, l’équipe du projet LESELAM a engagé une prospective agricole qui vise à construire plusieurs scénarios contrastés d’évolution de l’occupation du sol en zone agricole. Ces scénarios, construits sur la base d’informations recueillies par entretien auprès d’acteurs, ont ensuite été mis en débat au sein de plusieurs groupes de travail, réunissant des agriculteurs, des représentants syndicaux, des conseillers agricoles et des acteurs institutionnels. 

© BRGM 

L'une des questions qu'on se pose sur le projet LESELAM est de savoir comment l'érosion des sols va évoluer dans le futur.  

La réponse dépend de la manière dont nous, humains, allons modifier l'occupation du sol, dont nous allons gérer les problèmes d'urbanisation, du type d'agriculture que nous allons développer sur ce territoire.  

Pour anticiper l'évolution de l'agriculture dans le futur, nous avons décidé d'initier une démarche de prospectif participative.  

L'objectif étant d'explorer les futurs avec les acteurs du territoire et d'imaginer comment l'agriculture peut évoluer à long terme. Nous avons raisonné à l'horizon 2035. 15 ans, c'est pas beaucoup, mais pour Mayotte, ça l'est déjà puisque le territoire change à une très grande vitesse.  

Pour réaliser cet exercice d'exploration du futur, nous avons mobilisé plusieurs groupes d'acteurs qui ont fonctionné en parallèle. Nous avions donc l'État, le Conseil départemental, la Chambre d'agriculture, l'Établissement public foncier, etc. Et un groupe de petits agriculteurs, regroupant une quinzaine de personnes, issus de notre bassin versant d'étude à Mtsamboro, dans le nord de l'île.  

Pour aider les participants à se projeter dans le futur, nous avons construit 3 scénarios qui décrivent plusieurs évolutions possibles de l'agriculture. Le 1er de ces scénarios est un scénario qui suppose que les problèmes actuels se maintiennent, ce qui empêche l'émergence d'une agriculture professionnelle et entrepreneuriale. L'objectif de ce scénario étant de faire réfléchir les gens aux conséquences de l'inaction, de ce qui pourrait se passer si on ne met pas en place de politique volontariste. Les autres scénarios sont des scénarios de politique volontariste qui vont décrire des actions permettant de développer, pour le 1er, une petite agriculture familiale, mais qui va produire de la valeur et dont l'objectif est d'embarquer le plus possible de monde dans le train du changement, alors que le 3e scénario suppose, lui, l'arrivée d'investisseurs, donc d'entreprises beaucoup plus performantes, beaucoup moins nombreuses, qui vont produire, mais mobiliser moins d'agriculteurs et laisseront plus de monde sur le bord du chemin.  

Ces scénarios sont présentés sous forme de coupures de presse fictives qui présentent sous forme journalistique les changements imaginés.  

Ces ateliers se déroulent sur une durée de 3 à 4 heures environ. On passe environ 45 minutes par scénario. Pour assurer une bonne qualité des débats, on va limiter systématiquement la participation à 10 personnes maximum pour que tous puissent s'exprimer. Après, on complète cette démarche avec un petit questionnaire où à la fin de chaque séance de discussion, chaque scénario, les personnes répondent à quelques questions qui nous permettent de quantifier leur position à la fin de l'atelier.  

Pour travailler avec les petits agriculteurs, il nous a fallu adopter la méthode parce que, justement, c'était une méthode basée sur des articles rédigés en français. Ce n'était pas totalement adapté aux agriculteurs, dont certains ne savent ni lire ni écrire. Les scénarios ont donc été présentés oralement dans les grandes lignes. Les agriculteurs ont parfaitement compris la logique des scénarios ainsi que les hypothèses qu'ils contenaient. On leur a ensuite demandé de nous expliquer comment ces scénarios pouvaient s'adapter à l'échelle de l'exploitation et aussi à celle du groupe d'agriculteurs. Pour cela, nous avons utilisé des représentations simplifiées d'exploitations agricoles, nous leur avons présenté un exemple de projet d'aménagement collectif tel que proposé dans l'un des scénarios, et on leur a demandé comment ils pourraient s'organiser collectivement pour proposer un projet de ce type. Les discussions étaient très riches et très animées. On a eu, au sein du groupe, des gens qui ont une posture très traditionnelle et d'autres qui ont une posture assez innovante. Ces ateliers ont permis de confronter ces idées. Il en ressort des choses assez intéressantes. Cette façon de réfléchir et de regrouper des agriculteurs, c'est nouveau pour eux. Et, effectivement, il y a du chemin à parcourir avant de faire émerger un projet collectif au sein du groupe.  

Pour finir, nous avons organisé une réunion de restitution qui regroupait l'ensemble des acteurs des ateliers.  

Cette réunion de restitution finale permet de partager les conclusions des groupes et dans le cas présent, on a constaté qu'on avait assez peu de divergence de point de vue et qu'on a progressé vers la construction d'une représentation commune de l'agriculture qu'on aimerait bien développer à l'horizon 2035. Ces ateliers ont permis d'initier cette réflexion prospective, mais la route est encore longue. D'autres acteurs prennent maintenant le relais pour définir une stratégie opérationnelle de développement de l'agriculture et surtout prévoir, planifier des actions concrètes qui permettront de réaliser les scénarios dont nous avons discuté.  

Lutte contre l’érosion des sols à Mayotte

Le projet LESELAM vise à lutter contre l'érosion des sols à Mayotte, pour une adéquation durable entre le développement de l’agriculture et de l’habitat rural d’une part, et la qualité du milieu lagonaire, d’autre part. 

© Naturalistes de Mayotte 

L'érosion des sols à Mayotte résulte principalement des fortes précipitations tropicales sur des sols non protégés. La forte pression qu'exerce l'homme sur les différents milieux, agricoles ou urbains, accélère ce phénomène. L'érosion des sols est un problème majeur à Mayotte qui met en péril la survie du lagon ainsi que l'agriculture. C'est pour mieux comprendre, prévenir et remédier à ces problèmes d'érosion des sols que le projet LESELAM est né. Dans le cadre de ce projet, nous avons trois objectifs : quantifier les problèmes érosifs sur plusieurs bassins versants pilotes, mettre en place des démonstrateurs de pratiques de remédiation, et enfin former et sensibiliser les acteurs confrontés à ces problématiques. 

Des stations de mesures climatologiques et hydrologiques ont été installées sur 3 bassins versants de Mayotte. Deux bassins agroforestiers : Mro Oua Bandrani et Salim Bé au sud de Dembeni, et un bassin très urbanisé, celui de Mtsamboro au nord de Mayotte. Les résultats des saisons pluvieuses 2015-2016 et 2016-2017 ont montré une très forte érosion sur le bassin versant urbanisé de Mtsamboro : de 6 à 10 t/ha par an de terres érodées qui vont dans le lagon, contre seulement 0,25 t/ha par an sur les bassins agroforestiers comme celui de Mro Oua Bandrani. 

Pour lutter contre l'érosion des sols, il existe plusieurs techniques. En zone agricole, et sur les jardins en zone urbaine et périurbaine, on met en œuvre une agriculture de conservation, défense et restauration du sol, notamment le paillage. En zone purement urbaine, notamment en zone de talus, et sur les zones de construction, il s'agit de protéger le sol par de la végétation et de respecter les règles en matière d'aménagement et de construction. 

Pour faciliter l'appropriation de ces solutions, nous avons mis en place diverses actions de sensibilisation. Des réunions d'information, des conférences, des enquêtes et des ateliers ont été menés. Nous avons aussi créé des panneaux et un site Internet pour regrouper l'ensemble de l'information.  

Nous avons l'ambition de poursuivre ce projet avec un LESELAM 2, afin de mettre en place concrètement les mesures de lutte contre l'érosion et passer de l'échelle du bassin versant à celle du territoire, afin de limiter au plus tôt l'impact négatif de l'érosion des sols à Mayotte.